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Mon voyage ne se terminait pas à Bahia ; les côtes du Brésil méritent d’être visitées avec attention. Les villes maritimes, plus fréquentées par les étrangers, ont une physionomie curieuse et piquante. Quand on a vu la population livrée à elle-même dans l’intérieur du pays, on aime à la retrouver, sur les côtes, en présence du commerce européen C’est un plaisir qu’on achète, il est vrai, par d’énormes tribulations. Rien de plus sale et de plus mal tenu qu’un paquebot brésilien : des porcs se promènent librement sur l’avant ; sur l’arrière, dindons et poulets errent à leur aise. La toilette du bord n’ayant lieu qu’une fois par mois, il se forme sur le pont une poussière épaisse qui colore le bois, dont vous n’apercevez plus la couleur primitive. Les repas ne répondent que trop à ces tristes apparences ; il est impossible d’y toucher sans dégoût. Le prix du passage est assez élevé, néanmoins l’entreprise a peine à se soutenir : il y a si peu de passagers, que les frais ne sont pas couverts ; il faut que le gouvernement alloue pour chaque voyage une indemnité qui est évaluée à un million par an. La compagnie doit expédier un paquebot tous les vingt jours de Rio-Janeiro. Ce paquebot, après avoir touché à Bahia, Maceyo, Fernambouc, Céara, San-Luis-de-Maragnan et Sainte-Marie-de-Belem, retourne à Rio-Janeiro en s’arrêtant dans les mêmes villes. Le trajet doit durer deux mois ; mais, dans l’état actuel de la navigation brésilienne, on ne peut attendre aucune régularité dans le service des dépêches. Les machines, mal dirigées par des ingénieurs anglais, ou plutôt par de simples chauffeurs, exigent de continuelles réparations, et, au lieu de deux mois, il faut calculer au moins trois mois pour faire un voyage qui n’offre aucun danger.

Deux jours après avoir quitté Bahia, nous entrions dans le port de Maceyo, en évitant les nombreux bancs de sable qui en défendent l’entrée. Maceyo est une ville toute neuve, dont les deux cents maisons forment une longue rue assez large et bien aérée. On remarque chez les habitans quelque activité. La province d’Alogoas, où se trouve Maceyo, est une des moins étendues du Brésil ; elle faisait autrefois partie, comme district, de la province de Fernambouc. La population s’élève à 140,000 ames. Des bois de construction, l’huile de coco, le sel, qu’on récolte en abondance et qui est expédié pour la province de Minas, forment, avec le coton, le riz et le maïs, les objets d’exportation de cette province, dont le commerce acquiert chaque année une plus grande importance. Depuis la révolution d’Alogoas, qui a éclaté en 1833 et ne s’est terminée qu’en 1835, il y a eu dans cette province des symptômes notables de prospérité. Les revenus de la douane, qui n’étaient, de 1837 à 1839, que de 30, 000 francs,