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exposé ; je l’ai exécuté sur les morceaux les plus étendus, les plus célèbres, les plus importans. Voilà le service que j’ai rendu aux lettres ; d’obscures menées ne l’effaceront point. On a beau dérober les principes que j’ai établis, en ayant l’air de les combattre ; tous les faux-semblans ne servent de rien ; suivre des règles posées par un autre, jusqu’à les compromettre par une application outrée, ce n’est point les inventer, tout comme réimprimer à grand bruit des pièces qui déjà ont vu le jour, sans citer le premier éditeur, ce n’est pas les publier pour la première fois.

J’avais un moment songé à donner un plus grand nombre de pensées nouvelles. La réflexion m’a retenu. Dans l’intérêt même de la renommée de Pascal, surtout dans l’intérêt des lettres, j’ai dû me borner à mes premiers extraits, une lecture attentive ne m’ayant fait découvrir aucun fragment nouveau qui fût supérieur à ceux que j’avais donnés, et qui méritât de voir le jour. Il ne faut pas non plus adorer superstitieusement tous les restes d’un grand homme. La raison et le goût ont un choix à faire entre des notes quelquefois admirables, quelquefois aussi dépourvues de tout intérêt dans leur état actuel. Un fac-simile n’est point l’édition, à la fois intelligente et fidèle, que j’avais demandée et que je demandé encore.

Mais considérons par un endroit plus sérieux l’écrit que nous allons remettre sous les yeux du public. Nous n’avions entrepris qu’un travail littéraire ; notre unique dessein avait été de reconnaître et de montrer Pascal tel qu’il est réellement dans ce qui subsiste de son dernier ouvrage, et il est arrivé qu’en l’examinant ainsi, nous avons vu à découvert, plus frappant et mieux marqué, le trait distinctif et dominant de l’auteur des Pensées. Déjà, en 1828[1], nous avions trouvé Pascal sceptique, même dans Port-Royal et dans Bossut ; en 1842, nous l’avons trouvé plus sceptique encore dans le manuscrit autographe, et malgré la vive polémique qui s’est élevée à ce sujet, notre conviction n’a pas un seul moment ébranlée : elle s’est même fortifiée par des études nouvelles.

Quoi ! Pascal sceptique ! s’est-on écrié presque de toutes parts. Quel Pascal venez-vous mettre à la place de celui qui passait jusqu’ici pour un des plus grands défenseurs de la religion chrétienne ? Eh ! de grace, messieurs, entendons-nous, je vous prie. Je n’ai pu dire que Pascal fût sceptique en religion : c’eût été vraiment une absurdité un peu

  1. Voyez les Leçons de 1828, seconde édition, t. I, p. 43.