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métropoles, autour des diverses exploitations. L’ensemble des travaux donne 1364 lieux de canaux et 758 de chemins de fer, accomplis au prix de 660 millions : d’autres canaux, d’autres chemins, auxquels on destine 300 millions, doivent être entrepris, sur un développement de 900 lieues, et l’on n’en doit pas rester là. À cette même époque, la marine à vapeur de cette nation née d’hier compte 386 bâtimens représentant 96,648 tonneaux, tandis que la vieille France ne possède encore que 119 bâtimens, en y comprenant ceux de l’état. Quel est le secret de cette puissance ? C’est que « la république des États-Unis n’est pas une seconde édition de la république romaine. C’est une colossale maison de commerce qui tient une ferme à céréales dans le nord-ouest, une ferme à coton, à riz et à tabac dans le sud ; qui possède des sucreries, des ateliers de salaisons et de beaux commencemens de manufactures ; qui a ses ports du nord-ouest garnis d’excellens navires bien construits et mieux montes encore, avec lesquels elle entreprend les transports pour le compte de tout l’univers, et spécule sur les besoins de tous les peuples[1]. »

Le mouvement général et perpétuel du travail dans cette région cinq fois grande comme la France donne l’idée d’une monstrueuse fourmilière, où chaque être s’agite pour amasser. Comme il y a de la besogne pour tous, et de la besogne largement rétribuée, rien n’est plus aisé que de vivre en travaillant, et de fort bien vivre. Les objets de première nécessité, pain, vin, viande, sucre, thé, café, chauffage, sont également à plus bas prix qu’en France, en raison de la modicité des impôts, et les salaires y sont doubles ou triples. Un homme de peine, dans nos campagnes, gagne tout au plus 1 franc 25 centimes, avec lesquels il doit pourvoir à tous ses besoins. L’Irlandais qui débarque aux États-Unis, sans autre mérite que la vigueur de ses muscles, trouve un salaire qui varie de 2 à 4 francs, plus une nourriture succulente et copieuse, trois repas avec abondance de pain et de viande, avec du café, du sucre, et du beurre, sans compter les distributions de wiskey six à huit fois, par jour. Aussi, n’y a-t-il pas de pauvres dans les États-Unis, du moins dans ceux qui ont su se préserver de la plaie de l’esclavage. Enfin, pour dernier trait de ressemblance avec cette terre promise que tout saint-simonien a entrevue dans ses rêves, la prospérité des Anglo-Américains est particulièrement profitable à la femme. Depuis l’embouchure du Saint-Laurent jusqu’à celle du Mississipi, on chercherait en vain un de ces monstres féminins

  1. Lettres sur l’Amérique du Nord, tome II, page 218.