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choix, son titre spécial. Chacun de ses livres lui fournit à ce sujet un point de vue différent. Les Lettres sur l’Amérique respirent l’étonnement du voyageur, le premier enthousiasme d’une grande découverte ; le côté pittoresque y est le plus saisissant. Le livre consacré aux Intérêts matériels de la France[1] est une étude positive adressée aux hommes d’état. L’ingénieur reparaît dans une volumineuse Histoire des voies de communication aux États-Unis et des travaux qui en dépendent[2]. Dans le cours professé au Collège de France, l’économiste prend la parole. C’est par une sorte d’instinct que son regard suit dans l’espace tous les véhicules, depuis la charrette, embourbée dans l’ornière d’un chemin vicinal jusqu’à l’étincelante locomotive qui glisse en sifflant sur les rails. Cette préoccupation est d’ailleurs assez naturelle. L’usage de la vapeur appliquée à la locomotion ne sera-t-il pas l’un des principaux titres de notre siècle à la sympathie des siècles à venir ? Quelle conquête du génie humain sur le temps et sur l’espace ! Quels merveilleux courans d’hommes et d’idées ! Pour apprécier le progrès réalisé chez nous dans cet ordre de travaux, il faut se reporter à l’époque où, en annonçant l’arrivée à Paris de monsieur de Pourceaugnac, Molière faisait dire à l’adroit Sbrigani : « Je l’ai vu à trois lieues d’ici, où a couché le coche. » Cette phrase fut écrite et prononcée au milieu des magnificences de Versailles, il y a 175 ans.

M. Chevalier a. consacré les deux tiers de son cours à l’étude spéciale des questions relatives aux chemins de fer, et il y revient incidemment dans chacune de ses leçons. Les calculs sur la puissance de la vapeur, sur les bénéfices qu’elle procure, le jettent dans une exaltation communicative : c’est la poésie de la statistique. Nous en donnerons une idée en reproduisant quelques-unes de ses supputations. Dans le département de la Sarthe, les routes ont été améliorées au point de réduire à deux pour cent du poids de la charge l’effort nécessaire à la traction. Supposons que la France fût assez riche pour pousser au même degré de perfectionnement ses 117,000 kilomètres de routes publiques, sans parler des chemins vicinaux, l’économie sur les frais de traction procurerait au pays un bénéfice annuel de 250 millions. Quant aux chemins de fer, M. Chevalier estime qu’ils assurent aux voyageurs une réduction des deux tiers sur les frais de voyage, et des trois cinquièmes sur le temps ; que l’avantage obtenu sur le transport

  1. 6e édition ; 1 vol. grand in-18, chez Gosselin.
  2. 2 gros vol. in-4o, avec un atlas in-folio ; .50 fr. Chez le même éditeur.