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mais non sans dignité, la situation nouvelle qui lui était faite. A dater de ce moment, la Grèce sentit que, si débile qu’elle pût être, la royauté créée par le traité de 1832 était pour elle un gage précieux, un gage unique d’indépendance et de sécurité. La Grèce sentit en un mot que, si cette royauté disparaissait, il y avait chance pour que le nouvel état grec disparût avec elle. La probité scrupuleuse du roi était d’ailleurs connue de tous, et personne ne doutait qu’il ne respectât strictement la constitution après l’avoir jurée. Il est juste de reconnaître que, malgré quelques fautes partielles le roi constitutionnel de la Grèce na rien fait depuis un an pour démentir cette bonne opinion. Peut-être en mai 1843 eût-il préféré M. Coletti à M. Maurocordato ; mais M. Maurocordato était le premier des vice-présidens. De l’assemblée nationale, et ce fut lui qu’il appela. Pendant toute la durée du dernier ministère, il n’usa d’ailleurs de son action personnelle, il ne se servit, de son veto que pour assurer la liberté des élections, et pour empêcher, autant qu’il était en lui, toute violence et toute illégalité. Son intention positive était enfin de ne pas changer le ministère avant la réunion du congrès, et d’investir de sa confiance ceux qui lui seraient désignés par la majorité. Ce sont là d’heureuses dispositions, c’est une conduite qui mérite l’estime et l’affection de la Grèce. Est-il permis d’ajouter que cette estime et cette affection paraissent également dues à la reine, princesse d’un caractère ferme, d’un esprit distingué, de sentimens élevés ? La reine, dit-on, a ressenti vivement, amèrement, les évènemens de 1843 ; mais ces évènemens accomplis, elle a compris que, pour le roi comme pour elle, il n’y a qu’une conduite honorable et sûre, celle qui donne au parti national et constitutionnel pleine satisfaction.

M. Maurocordato hors de combat, une question grave restait à résoudre. M. Coletti devait-il former un ministère homogène en s’entourant seulement de ses amis ? devait-il, tout en conservant l’influence principale, choisir quelques collègues dans les rangs opposés ? devait-il faire un pas de plus et accepter l’alliance que M. Metaxas lui proposait ? Le premier parti avait le grave inconvénient de donner à l’élément guerrier et rouméliote une influence exclusive, et de rejeter dans l’opposition des hommes dont le concours est nécessaires ; le second était meilleur, mais d’une exécution difficile ; le troisième, si l’on pouvait réellement compter sur M. Metaxas, réunissait plusieurs avantages, celui notamment d’en finir avec les vieilles classifications, et d’assurer au cabinet nouveau une forte majorité dans les chambres. Encore une fois, peu importe qu’on ait appartenu jadis au parti