Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/341

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En second lieu, et par une conséquence de l’idée que donne Cabanis de la sensibilité, celle-ci n’a pas de siége exclusif. Elle est surtout plutôt qu’elle n’est uniquement dans les nerfs ; et s’il est vrai que, dans le système nerveux, elle offre ses phénomènes les plus compliqués, les plus intimes et les plus curieux, ceux qu’on attribue à l’entendement et à la volonté, ils ne sont pas du moins cantonné dans un point de ce système, à l’origine commune de tous les nerfs, ni même dans le cerveau et ses appendices ; mais une grande partie de ces phénomènes sont modifiés, déterminé ou produits par l’action que transmet irrésistiblement le cerveau, quelquefois sous forme de sentiment et de volonté, quelquefois sans qu’il en ait conscience, et sans que son entremise soit autrement indiquée que par l’analogie.

Ce ne sont pas là des idées reçues définitivement en physiologie ; vagues de leur nature, elles ont été fort utiles à Cabanis pour faire passer nombre d’assertions qu’un langage plus scientifique aurait rendues insoutenables.

Ainsi, selon lui, la matière animale est partout sensible. Ceci n’est vrai qu’à la condition d’admettre qu’étant partout sensible, elle ne sente point partout, c’est-à-dire à la condition d’admettre une sensibilité qui ne sent pas. La susceptibilité particulière donnée à l’organisme, et qui consiste à manifester, dans certaines circonstances, ou à la suite de certains contacts, des changemens, des mouvemens qui ne s’expliquent point par les forces qui président à la mécanique, à la physique, à la chimie ; cette propriété d’être modifiée dans sa couleur, son volume, sa structure, son état enfin, d’une manière dont la matière inanimée n’offre pas d’exemple, n’est pas encore la sensibilité. Des phénomènes pareils très saillans, très importans pour la vie ou la santé, peuvent s’accomplir dans les organes, sans qu’aucune sensation les accompagne, témoin les innombrables fonctions internes qui s’exercent dans le corps d’un homme sain. Ces phénomènes sont principalement dus à cette propriété spéciale appelée l’irritabilité. L’irritabilité est nécessaire, à ce qu’il paraît, la sensibilité. Quelques-uns de ses phénomènes sont toujours sentis ; d’autres, et c’est le plus grand nombre, accomplis dans certaines circonstances, poussés à un certain degré d’intensité deviennent sensibles. Sous l’impression d’un corps extérieur, la sensibilité se manifeste partout, sous l’influence d’un état particulier, comme la maladie, elle naît ou s’accroît localement ; mais l’irritabilité existe indépendamment de la sensibilité, puisque l’irritation peut avoir lieu à l’insu de la sensation.

Dans l’opinion contraire, la sensibilité devenant la propriété générale