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plus que pour solder des valeurs minimes, ou pour former l’appoint des sommes plus fortes. L’or et l’argent remplissent seuls aujourd’hui les véritables fonctions de la monnaie. Un temps viendra sans doute, et qui n’est peut-être pas loin, ou l’argent sera réduit a son tour à ce rôle secondaire où le cuivre est descendu depuis long-temps : le métal le plus riche prévaudra ; l’or règlera seul tous les échanges. En attendant que cet évènement se réalise, la plupart des pays de l’Europe, et particulièrement la France, admettent encore l’emploi simultané de l’or et de l’argent comme moyen régulier d’échange ; et autorisent leur circulation sur le même pied, en établissant le rapport de leurs valeurs respectives ; mais qui n’entrevoit au premier abord les difficultés et les inconvéniens dont ce concours des deux métaux est la source ?

S’il n’existait qu’une seule espèce de monnaie, un seul métal pour la produire, la tâche du gouvernement qui la fabrique serait fort simple. Elle consisterait uniquement à fixer le titre de la monnaie, et, une fois l’uniformité de ce titre établie, à diviser le métal unique que l’on aurait adopté en telles portions que l’on voudrait, pourvu qu’elles fussent invariables, et qu’on suivît dans la division un système commode et régulier. Le choix de l’unité serait alors arbitraire, facultatif ; ce serait en effet une dénomination à adopter, et rien de plus. Quant à la valeur relative des pièces, elle se déterminerait d’elle-même par le rapport des poids, puisque la matière serait identique. Mais dès l’instant que plusieurs métaux sont admis à circuler ensemble comme monnaie légale, la question se complique. Une grave difficulté se présente, celle de déterminer le rapport de valeur entre ces métaux ; car si l’on admet que l’un et l’autre peuvent être indifféremment donnés en paiement des marchandises, ou pour acquit des obligations antérieurement contractées, il faut bien que l’on sache d’avance quelle quantité de l’un équivaudra à telle quantité de l’autre. C’est ce que tous les états qui ont admis l’or et l’argent en concurrence dans la circulation ont essayé de régler ; malheureusement les rapports qu’ils ont établis ne se sont jamais trouvés long-temps d’accord avec la réalité commerciale.

En effet, par cela même que les métaux précieux sont des marchandises, ils ont une valeur commerciale dépendante des lois ordinaires du commerce, et, qui s’établit en dehors et en dépit de toutes les prescriptions de la loi. Qu’ils soient à l’état de lingots ou de monnaies, le résultat est le même : c’est le commerce qui règle leur valeur, et il n’est pas donné au gouvernement ni de fixer cette valeur ni de la