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changer. Or toute valeur commerciale est essentiellement variable, selon les fluctuations de l’offre et de la demande, selon l’activité de la production ou l’étendue des besoins, et les monnaies subissent la loi commune. Les variations auxquelles elles sont sujettes ne sont pas d’ailleurs toujours les mêmes pour les deux métaux employés. Il peut arriver que l’un augmente de valeur dans le même temps que l’autre baisse : d’où il suit que les rapports admis par la loi, quelque exacts qu’ils puissent être au moment où on les établit, se trouvent dès le lendemain en désaccord avec le fait commercial qui les domine. Il a dans notre histoire financière, comme dans celle de tous les pays qui ont une histoire, des exemples frappans de cette vérité, et il est curieux d’observer les inutiles tentatives que les gouvernemens ont faites en divers temps pour atteindre, ce rapport commercial, qui semble toujours leur échapper.

Au commencement du siècle dernier, le financier Law, dans son mémoire sur les monnaies, calculait que le rapport commercial de l’or à l’argent était de 15 et 49 centièmes, ou environ 15 1/2 à 1, tandis que le rapport légal dans les monnaies françaises n’était que de 15 et 24 centièmes, ou environ 15 1/4 à 1. Ainsi, tandis qu’une once d’or valait sur le marché de l’Europe, et probablement dans les relations commerciales de la France elle-même, 15 onces 1/2 d’argent, la loi monétaire n’en accordait que 15 et 1/4, donnant ainsi à l’or une valeur moindre, ou à l’argent une valeur plus forte que sa valeur réelle. Le rapport légal était donc alors trop bas. Ce qui se passa bientôt après, il est difficile, de le dire, car il y a dans notre histoire financière bien des lacunes ; mais il paraît que la valeur de l’or décrut en peu de temps d’une manière sensible, peut-être à la suite des opérations de la banque établie par le régent, puisqu’en 1726 on jugea à propos de changer le rapport légal, non pour l’élever, mais, au contraire, pour l’abaisser. On le fixa alors à 14 1/2 pour 1. Les choses restèrent en cet état pendant une grande partie du XVIIIe siècle. Sans doute le rapport commercial changea souvent ; mais on ne tint pas compte de ces variations ; on n’en mesura pas les conséquences, et le rapport légal, resta ce qu’il était. Cependant en 1785, quand on entreprit, sous le ministère Calonne, la refonte des monnaies, on se montra plus attentif. Alors un désaccord marqué entre les règlemens monétaires et le fait commercial fut constaté, avec tout le dommage qui en était la suite, dans le préambule même de l’édit du roi[1]. « L’attention vigilante que nous donnons, est-il dit, à tout

  1. Déclaration du roi, du 30 octobre 1785, registrée en la cour des monnaies le 21 novembre suivant, ordonnant une refonte des espèces d’or, afin d’en augmenter la valeur.