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ce qui peut intéresser la fortune de nos sujets et le bien de notre état, nous a fait apercevoir que le prix de l’or est augmenté depuis quelques années dans le commerce, que la proportion du marc d’or au marc d’argent, étant restée la même dans notre royaume, n’est plus relative aujourd’hui à celle qui a été successivement adoptée en d’autres pays, et que nos monnaies d’or ont actuellement, comme métal, une valeur supérieure à celle que leur dénomination exprime et suivant laquelle on les échange contre nos monnaies d’argent ; ce qui fait naître la spéculation de les vendre à l’étranger, et présente en même temps l’appât d’un profit considérable à ceux qui se permettraient de les fondre au mépris de nos ordonnances. » On changea donc l’ancien rapport entre l’or et l’argent monnayés, et l’on s’arrêta à celui de 15 1/2 à 1. Diverses mesures furent prises pour que le changement se fit sans trouble : on retira les anciennes pièces d’or de la circulation, et tandis qu’autrefois l’on ne faisait d’un marc d’or que 30 louis de 24 francs, on en fit, selon la déclaration du roi, 32 avec la même matière.

Ce rapport de 15 1/2 à 1 était sans doute exact à cette époque, et parfaitement en harmonie avec le cours commercial des deux métaux ; mais il ne devait pas l’être long-temps. Franchissons toute la période révolutionnaire, où la loi monétaire fut plusieurs fois remaniée, et arrivons à l’an XI, où le régime actuel fut établi. Un étrange revirement s’était opéré dans l’intervalle. Ce rapport si soigneusement établi en 1785 se trouvait inexact, et l’on pouvait s’y attendre ; mais ce n’était pas, comme on aurait pu le croire, la valeur de l’or qui s’était élevée cette fois : au contraire, elle s’était notablement abaissée, à tel point que ce métal était alors à plus bas prix qu’il ne l’était même au temps de Law. Ainsi, à peine s’était-on avancé dans un sens pour suivre le mouvement du commerce, qu’il eût fallu revenir en sens contraire, tant il est vrai qu’il n’y a point à cet égard de règle sûre à établir.

La dépréciation de l’or qui eut lieu à cette époque paraît inexplicable au premier abord, si bien que de nos jours plusieurs économistes l’ont oubliée ou méconnue. Il est certain qu’elle paraît démentir ce que nous avons dit plus haut sur la tendance générale des deux métaux. Elle est cependant trop bien attestée par des témoins dignes de foi, pour qu’il soit possible de la mettre en doute. Voici comment s’exprimait alors M. Lebreton, rapporteur de la loi : « Le terme moyen du rapport de l’or à l’argent en Europe est de 1 à 14