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REVUE. — CHRONIQUE

répugnance du gouvernement belge, une démonstration à la fois populaire et officielle, afin d’inaugurer (c’est le mot d’ordre) la jonction du Rhin avec l’Escaut. Cette fête, indiquée pour le 13 octobre, vient d’être célébrée, en grande pompe, dans la ville d’Anvers. Tous les ministres belges y assistaient, en regard de M. d’Arnim, qui semblait prendre possession du pays. On fait circuler à Bruxelles une médaille de grand module, frappée en commémoration de cet évènement, et qui porte les écussons réunis d’Anvers et de Cologne, union naturelle, union heureuse, si elle devait s’accomplir sous un autre drapeau que le drapeau prussien.

Le traité du 1er septembre a reçu quelques modifications, qui ont toutes été introduites à la demande de la Prusse On a défini avec plus de précision les clauses qui assimilent, pour les arrivages directs dans les ports de la Belgique, les navires prussiens aux navires nationaux. En même temps, on a réservé expressément au gouvernement prussien la faculté de diminuer ou de supprimer les droits établis sur les fers étrangers, sans tenir compte du privilège conféré aux Belges par le traité. Ainsi, le cabinet de Berlin, en ratifiant un arrangement qui lui était déjà bien assez favorable, a trouvé moyen d’obtenir davantage et de donner moins.

Les vues de M. d’Arnim et de son gouvernement allaient encore plus loin. On imaginerait difficilement jusqu’où ces prétentions ont été poussées. La Prusse a demandé que l’assimilation du pavillon au pavillon national dans les ports belges fût étendue jusqu’aux arrivages indirects, c’est-à-dire que l’on permît à sa marine d’aller chercher à Londres, à Rio-Janeiro ou à New-York, les produits dont la Belgique aurait besoin. Le cabinet de Bruxelles, comprenant qu’on lui proposait la suppression pure et simple de la marine belge, a trouvé pourtant le courage de résister. Une autre proposition encore plus étrange a été mise en avant, sous la forme inoffensive, en apparence, d’un règlement de douanes, par un fonctionnaire supérieur que le gouvernement prussien vient d’envoyer à Bruxelles pour y représenter les intérêts du Zollverein. Ce fonctionnaire a offert de recevoir des douaniers belges à Cologne, à condition d’installer des douaniers prussiens à Anvers ; mais l’usurpation a paru trop flagrante, et cette fois encore le gouvernement belge a répondu par un refus.

On voit comment la Prusse mène les négociations. L’humeur conquérante de ce cabinet ne se dément pas. En traitant avec la Belgique, il ne se proposait d’abord que d’alarmer les villes libres de l’Allemagne, et de les obliger ainsi à entrer dans le Zollverein, politique qui lui a réussi, car il est déjà question de l’accession de Hambourg, mais, trouvant la Belgique de facile composition, la Prusse a voulu pousser sa pointe : ce qu’elle demandait n’était rien moins que la réunion de la Belgique à l’association allemande. Anvers, qui n’est déjà plus ni un port belge ni même un port franc, allait devenir, comme on le dit avec raison, un port prussien. Ce que la Prusse vient d’oser nous donne la mesure de ce qu’elle peut entreprendre ; il fau-