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idées orientales, qu’elle a jusqu’ici combattues. C’est en s’appuyant sur la nombreuse nation des Russines et sur les Kosaques qu’elle pourra renaître. Pour le prouver, il suffit d’un coup d’œil jeté sur les divers élémens de la nationalité polonaise. Comme la Russie, comme l’Illyrie, comme la Tchéquie, la Pologne se compose de trois parties distinctes : la Léquie proprement dite, ou Grande-Pologne, avec Posen pour capitale ; la Petite-Pologne, unie à la Polésie (pays des Polés), à la Podlaquie, à la Mazovie, et dont le centre est Varsovie ; enfin la Lituanie, dominée par Vilna. De ces trois parties, la moins latine par ses mœurs et sa religion est la Lituanie. Quant à la Petite-Pologne, adossée à la Volhynie et à la Gallicie (Russie-Rouge), elle est dominée dans toutes ses positions par les Russines, Slaves de rite grec. Seule, la Grande-Pologne ou le duché de Posen peut se considérer comme ayant des intérêts latins et une organisation occidentale d’une certaine force, puisque cette organisation dérive de ses rapports internationaux. Aussi cette Pologne prussienne est-elle le centre de résistance le plus redoutable contre la Russie ; mais elle ne compte que 2 millions d’habitans. Les autres provinces polonaises sont, on peut le dire, complètement envahies par le génie oriental. La Pologne autrichienne, ou le royaume très catholique de Gallicie et Lodomérie, ne fait pas sous ce rapport exception, puisque la majorité de ses habitans est grecque-unie.

Ce n’est que dans la Prusse, nous le répétons, que la nation polonaise peut continuer de se regarder comme latine politiquement ; dans le reste de ses provinces, elle ne doit plus professer que des mœurs et des sympathies gréco-slaves. Les patriotes du grand-duché de Posen se trouvent vis-à-vis de leur nation dans les conditions sociales où se trouvent en Illyrie les Croates vis-à-vis des Serbes. Nés latins et remplis d’idées latines qu’ils ne peuvent plus abdiquer, ils doivent subordonner leur marche politique aux tendances orientales de leur race, à peu près comme chez les peuples catholiques d’Occident les protestans se subordonnent, pour l’ensemble de la législation, à leurs concitoyens catholiques.

Quelles que soient du reste les mesures adoptées par les Polonais pour mettre un terme aux souffrances de leur patrie, on ne peut se refuser à la conviction que ces souffrances cesseront un jour. Puisque, malgré tant d’obstacles, tant de causes de mort en apparence irrésistibles, cette nationalité vit toujours, n’est-il pas clair que sa conservation se rattache à des vues secrètes de la Providence ? Oui, sans doute, un peuple dont l’histoire fut si grande ne peut périr sous les efforts