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insensés des puissances qui ont juré sa perte : le supplice qu’il endure actuellement n’est qu’une expiation pour un triste passé et une préparation pour un glorieux avenir.


VI.
LES RUSSES

Nous voici devant la nationalité russe, la plus grande, la seule de toutes les nationalités gréco-slaves qui soit redoutable pour le repos de l’Europe. Les statistiques donnent à l’empire des tsars une population de 65 millions d’individus, dont 5 millions de Polonais, 1 million et demi de Finlandais, autant de montagnards du Caucase, et 2 millions de Transcaucasiens. Sur ces 65 millions d’hommes, 51 millions 184,000 parlent russe et sont de rite gréco-slave.

De même qu’il y a une triple Hellénie, trois Polognes, trois Illyries, de même aussi l’histoire nous montre l’empire russe divisé en trois zones : blanche, rouge et noire, qui sont la Biélo-Russie, la Crasno-Russie, la Tcherno-Russie. Ces trois groupes de tribus diffèrent entre eux, non-seulement par leur origine, leur histoire et leur existence politique, mais encore par les mœurs et le langage, au point qu’on peut les considérer comme trois peuples.

Le vrai noyau de l’empire est la Russie-Noire (Tchernaïa Rossia) ou la Grande-Russie, appelée aussi Moscovie, du nom de sa capitale. Composée de 35 millions d’individus, cette grande race s’est tellement imposée aux deux autres races slaves de l’empire, aux Biélo-Russes et aux Malo-Russes, que l’idiome moscovite est partout aujourd’hui l’idiome des actes civils, des écoles, de la vie sociale et de la littérature. Dans la vaste enceinte que forme la Russie-Noire se trouvent comprises, il est vrai, quelques tribus étrangères, finnoises, tatares, tcheremisses et mordvines, et surtout des colonies allemandes comme celles de Sarepta et de Saratov sur le Volga, celles du Dniepre, de la Crimée et des environs de Pétersbourg ; mais toutes ces populations diverses forment, même réunies, un chiffre trop insignifiant auprès de la masse compacte du peuple moscovite, et leur assimilation prochaine avec la Russie ne peut manquer d’être le résultat des derniers oukases relatifs à l’instruction publique. Il n’y a pas jusqu’aux Tatars des gouvernemens de Perm, Viatka, Kasan et Orenbourg, qui, entamés par le passage continuel des marchands de Moscou, ne perdent rapidement leur physionomie propre et leurs mœurs, pour prendre celles de la Moscovie.