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se mettent courageusement en campagne, chassant, en compagnie de leurs femmes, les cerfs et les bisons ; à défaut de gibier, ils mangent leurs chiens. Dans ces chasses d’hiver, obligés parfois de passer les nuits dans la forêt, par une température de 30 degrés Réaumur au-dessous de zéro, les moins valides succombent, et les plus robustes reviennent souvent avec un membre gelé. Quant aux animaux, ils se cachent et disparaissent absolument. Les corbeaux seuls, d’ordinaire si sauvages, se montrent aux environs des habitations et se laissent approcher.

Les grandes sécheresses d’été et les froids rigoureux de l’hiver frappent donc de stérilité le sol de ce grand plateau central de l’Amérique du Nord. Ces causes, jointes à la rareté du bois, pour peu qu’on s’éloigne des rivières, mettront toujours obstacle au défrichement et à la colonisation des prairies par les blancs. Si dans certaines localités l’argile et le sable se recouvrent d’une couche végétale de plusieurs pieds d’épaisseur, les vents violens et presque continuels dessèchent ce sol fertile et enlèvent le peu qu’y répandent des pluies et des rosées insuffisantes. Le fumier qu’on dépose sur ces terres se réduit, comme elles, en poussière, et ne tarde pas à être emporté par le vent. Quelques tribus indiennes, comme les Mandans et les Meunitarris, s’adonnent, il est vrai, à la culture, et récoltent d’assez beaux : maïs. C’est que leurs champs sont placés sur le bord des rivières, dans des endroits abrités par des hauteurs ; et d’ailleurs, ces cultivateurs sont si peu nombreux, qu’ils n’ont pas besoin d’une grande étendue de terres arables ; mais que les établissemens des blancs se dirigent de ce côté, ce serait tout autre chose : les terres susceptibles de produire manqueraient aussitôt. L’espace intermédiaire entre cette dernière zone des prairies et les Montagnes Rocheuses, et qui est aujourd’hui occupée par les tribus errantes des Assiniboins et des Indiens Pieds-Noirs, Gros-Ventres et Corbeaux, semble également, par sa seule configuration, repousser toute tentative de colonisation. L’argile et le sable font place à la craie, au grès et aux schistes. De tous côtés se dressent des collines et de hautes montagnes aux formes les plus singulières. Les cimes de ces montagnes figurent des châteaux, des tables, des colonnades, des buffets d’orgues avec leurs tuyaux, des clochetons, des boules ou des cornes recourbées, parfois, évidées par les pluies, elles présentent des portiques, ou se dressent plus étroites à la base qu’au sommet comme autant d’énormes champignon ; souvent même elles se découpent plus étrangement encore. Le voyageur compare ces rocs suspendus et bizarrement déchirés au glacier des