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Bossons, dans la vallée de Chamouni. A partir du défilé des Châteaux blancs, cette contrée prend le nom caractéristique de pays des mauvaises terres. Le bighorn, espèce de mouton sauvage, et le corbeau visent seuls dans ces montagnes escarpées que l’indien évite, et à travers lesquelles le Missouri a peine à se frayer un passage.

C’est de l’autre côté de ces collines, premier chaînon des Montagnes Rocheuses, et à la sortie de l’étrange déifié des Stone wals, où la formation du grès blanc affecte les formes les plus extraordinaires qu’est situé le fort Mackenzie, dernier établissement vers l’ouest de la compagnie américaine. Ce fort, que M. Michel fonda en 1832 dans une étroite prairie, à une journée des chutes du Missouri et à cent milles environ de la grande chaîne des Montagnes Rocheuses, sert d’entrepôt au commerce des pelleteries avec les Indiens Pieds-Noirs, Gros-Ventres, Assiniboins Sassis et Koutanés. Ces dernières tribus habitent par-delà les sources du Maria-River, sur l’autre versant des Montagnes Rocheuses. Tandis qu’à la suite d’un traité conclu avec les tribus du haut Missouri on construisait le fort Mackenzie, 10 à 12,000 de ces Indiens bloquaient le keelboath où l’expédition se retirait chaque soir. Ce fort est le plus exposé de ces établissemens formés par les blancs, où la cupidité de l’Européen est en lutte perpétuelle avec le caractère perfide, rapace et sanguinaire de l’Indien.

Pendant son séjour au fort Mackenzie, le prince de Wied-Neuwied vit éclater une de ces petites guerres de tribus à tribus. Une troupe de 600 guerriers assiniboins attaqua, sous les piquets du fort, un parti d’indiens Pieckaus qui s’y était réfugié. Les engagés et les Européens habitans du fort furent obligés d’intervenir et de se mêler aux combattans, car les Pieckaus étaient les alliés des blancs. L’action fut vive, mais peu sanglante, et l’on pourrait inférer du récit du voyageur, ou que cette réputation de singulière bravoure que l’on a faite aux Indiens est tout-à-fait usurpée, ou qu’en fait de courage ils sont très journaliers. Ces combats présentent d’ailleurs un spectacle des plus pittoresques, et qui nous reporte aux temps héroïques. Cavaliers et fantassins, groupés confusément combattent sans ordre, s’apostrophant comme les héros d’Homère, poussant d’effroyables cris et tiraillant à de grandes distances. Pour peu qu’un parti soit plus nombreux et fasse mine de se porter en avant, ses adversaires se replient aussitôt, emportant les morts et les blessés. Il est rare, à moins de surprise, que le combat ait lieu corps à corps. Les cavaliers sont chargés de toutes sortes d’armes et d’ornemens. Ils portent l’arc et le carquois sur le dos, le bouclier au bras, et tiennent à la main leur fusil et leur tomahawk. Ils