Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/555

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

classique d’une part, et de l’autre la comédie de la nouvelle école, nous ont souri fort agréablement, quoique ce sourire ressemblât tant soit peu à une grimace. Les deux genres se sont montrés avec leurs mutuels avantages. Leurs représentans étaient d’un côté M. Casimir Bonjour, et de l’autre M. Ferdinand Dugué. Le Bachelier de Ségovie et le Béarnais sont la double expression de deux systèmes poétiques qui se traînent maintenant plutôt qu’ils ne marchent, ce qui ne les empêche pas de se draper avec superbe dans leur dernier linceul. M. Bonjour a poursuivi sa vieille idée de l’Éducation, et a fait une satire en cinq actes Quelque intérêt dramatique d’abord, l’ennui ensuite, des vers gorgés d’épithètes oiseuses et qui fléchissent d’ordinaire à la rime, un imbroglio, force remplissages, des traits piquans clair-semés, un ensemble glacial, telle est à peu près la comédie de M. Bonjour. Celle de M. Dugué est une fantaisie en trois actes renouvelée de M. Hugo, et entremêlée de traits assez vigoureux qui appartiennent en propre à l’auteur. Gringoire, Saltabadil, Maguelonne, Taillebras, ont prêté chacun quelque chose à M. Dugué, qui est jeune. Or, quand on est jeune, on a presque le droit d’emprunter, on a si bien le temps de rendre ! Ce que M. Dugué a cru faire de nouveau, c’est son matamore. Malheureusement ce matamore est partout, et surtout à l’enfance de l’art, mais enfin, Corneille a mis un capitan à la scène. Il est vrai qu’après l’Illusion comique Corneille fit le Cid. Voilà un grand exemple qu’il serait beau de suivre, même de très loin, et que nous indiquons à une jeune ambition On a dit que le Béarnais était la vive expression d’une poésie d’avenir, il me semble que c’est plutôt un dernier effort d’un système vieilli. — La pièce a réussi ; les acteurs ont joué de leur mieux et très bien.

Les écoles finissent ; dépouillons-nous des préjugés, des vieux systèmes d’autrefois et des vieux systèmes d’hier ; étudions les maîtres de tous les temps, et, rentrant dans notre ame, tâchons d’avoir un style qui en soit le reflet.


PAULIN LIMAYRAC.