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réveiller son zèle et son courage, sera forcé d’ouvrir lui-même dans le Moniteur le feu de la polémique. Au surplus, cette résolution ne, nous étonnerait point ; le ministère a pris l’engagement de parler, il faut qu’il parle. Il a des argumens, des chiffres à faire valoir ; il a promis de les publier ; il est tenu de remplir sa promesse. Le danger d’ailleurs ne sera pas pour lui. Que la dotation expire sous le coup des attaques dont la polémique officielle sera l’objet, que la dynastie soit livrée dans le Moniteur aux injures, des républicains et des légitimistes, qu’au lieu d’avoir devant elle, pour juger ses réclamations, une assemblée d’hommes graves, contenus par la loi, par le respect du lieu, par leur caractère, dans les bornes d’une discussion convenable, elle soit placée devant un tribunal ou l’ignorance et la passion dominent ; qu’au lieu de débattre paisiblement ses intérêts dans une enceinte où le dévouement pour elle ne saurait être légalement suspecté, on vienne exposer son bilan aux yeux de la foule, où la lie des révolutions fermente encore à côté des préventions haineuses des partis vaincus ; qu’on substitue ainsi à un débat régulier, normal, exempt de tout péril pour la dynastie, un débat inconstitutionnel, aussi dangereux, qu’affligeant ; que la dotation y périsse et que la couronne en souffre, qu’importe, si le ministère est sauvé ?

Pour être véridiques, nous devons déclarer qu’aucun bruit sérieux n’est encore parvenu jusqu’à nous sur les intentions réelles du ministère, soit au sujet de la polémique du Moniteur sur la dotation, soit au sujet de la présentation du projet de loi devant les chambres. Le ministère, et pour cause, garde prudemment le silence sur ces deux points. Si nous lui supposons l’idée de commencer la polémique du Moniteur avant le retour des chambres, idée que nous trouvons d’ailleurs funeste, et que nous sommes bien loin de conseiller, c’est tout simplement parce que le ministère peut y trouver son intérêt. On conçoit, en effet, qu’au point de vue ministériel le plan ne serait pas mal conçu. La polémique du Moniteur irritera et indignera les sages amis du trône, cela est vrai ; mais la question aura été débattue. Si l’effet des articles du Moniteur n’est pas favorable, si M. Muret de Bord n’est pas converti, cela dispensera de courir les chances d’un débat parlementaire. Reste à savoir si les amis éclairés de la royauté de juillet pardonneront au ministère de l’avoir si perfidement et si imprudemment conseillée. Sur ce point, le ministère paraît éprouver une confiance que bien certainement tous ses amis ne partagent pas.

Le ministère du 29 octobre commence sa cinquième année. Il fête son anniversaire avec ses intimes ; il adresse dans ses journaux un défi superbe à ses adversaires et en même temps il est plein de malice et d’ironie. Il se demande humblement comment il a pu vivre ayant contre lui une association d’hommes éminens comme M. Thiers, M de Rémusat, M. Billault, M. Dufaure, M. Duvergier de Hauranne ! Il s’étonne d’avoir pu résister à toutes les oppositions réunies, à l’opposition déclarée et à l’opposition couverte, qu’il dit être la plus dangereuse. Tout cela est spirituel et d’assez bonne