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guerre. Nous convenons facilement qu’en fait d’argumens ministériels une existence de quatre années vaut quelque chose ; seulement il faudrait que le ministère eût plus de franchise. En nous rappelant qu’il a vécu quatre ans, il faudrait qu’il n’oubliât point pourquoi et comment il a vécu. Nous voudrions lui voir un peu moins d’ingratitude à l’égard des hommes qui ont poussé plus d’une fois la modération à son égard jusqu’à l’oubli de leurs propres intérêts et jusqu’à lutter contre des convictions impérieuses. On paraît se vanter d’un éclatant triomphe remporté contre toutes les oppositions réunies et en particulier contre l’alliance des membres du centre gauche avec plusieurs hommes considérables qui siègent dans les rangs conservateurs, nous désirons vivement, quant à nous, cette alliance ; mais depuis quand s’est-elle montrée ? Ces hommes que l’on accuse de se donner des airs d’impartialité pour porter des coups plus dangereux, et de se placer dans la majorité afin de la diviser plus sûrement, quels coups ont-ils portés au ministère Dans quelles circonstances ont-ils parlé ou même voté contre lui ? Avant de les déclarer vaincus, il faudrait au moins attendre qu’ils aient fait la guerre. Cela pourra bien arriver, grace aux fautes toujours croissantes du cabinet ; mais jusqu’ici on ne peut que les remercier de leur longanimité, ou tout au plus leur dire qu’ils n’ont pas osé se déclarer. On se vante d’avoir vaincu M. Thiers ! On oublie donc le discours sur la régence ! on oublie que depuis bien des années, toutes les fois qu’un ministère est en péril dans une question dynastique, M. Thiers s’empresse de lui apporter le secours désintéressée de son éloquence et de sa grande position dans le pays. Ces fortifications que le ministère se vante d’achever, est-ce M. Guizot, est-ce M. Thiers qui les a fait voter ? Dans peu de mois, une question d’un intérêt immense, le projet de loi sur l’instruction secondaire, sera discuté au Palais-Bourbon ; le projet soutenu par une commission dont M. Thiers est l’organe sera adopté par la chambre, contre l’opposition avouée ou secrète du cabinet : soyez sûrs que le lendemain, si le cabinet du 29 octobre existe encore, on dira qu’il a remporté une victoire éclatante contre M. Thiers ! Ainsi se passent les choses dans ce bas monde, c’est-à-dire dans ce pays de sincérité et de gratitude que l’on nomme le monde ministériel. On parle de l’opposition de M. Dufaure ! Combien de discours M. Dufaure a-t-il prononcés contre le cabinet ? Combien de fois a-t-il voté contre lui ? On parle de l’opposition persévérante, déclarée, active de M. de Rémusat et de M. Duvergier de Hauranne ! Quelle modération n’ont-ils pas au contraire montrée tous les deux ! M. Duvergier de Hauranne est-il donc un homme si violent, toujours empressé de faire et de défaire des cabinets ? C’est un homme de révolution et d’intrigue, dit-on. Qu’on lise son dernier écrit sur la Grèce. Qu’on nous dise où sont dans cet écrit les doctrines, le système, le langage, les intentions que la majorité pourrait reprocher à l’honorable publiciste ? Dans ce vaste coup d’œil sur la politique de l’Orient, où est la pensée qui ne pourrait s’accorder avec les vrais intérêts et les vrais principes du gouvernement de