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juillet ? Y a-t-il beaucoup d’amis du ministère, de bons députés, ennemis déclarés des changemens de cabinet et des intrigues, qui emploient ainsi leurs loisirs pendant l’intervalle des sessions, et qui cherchent, avec l’aide des faits et des connaissance locales, à établir sur des bases solides la politique extérieure de la France ? On parle de l’opposition de M. Billault. Oui, voilà un orateur pressant, incisif, véhément, qu’il est plus facile de calomnier que de réfuter. M. Billault n’a pas renversé le cabinet : cela est vrai, mais M. Billault s’est contenté de parler, il n’a pas agi. Tout le monde sait que l’honorable député s’est tenu jusqu’ici en dehors de toutes les combinaisons que pourrait amener la chute du ministère. M. Billault a fait comme tous les adversaires de la politique du 29 octobre, qui l’ont attaquée isolément, sans un plan concerté, et sans avoir imaginé une seule fois cette redoutable tactique dont le ministère prétend avoir triomphé. On voit donc pourquoi le ministère a vécu ; quant à la manière dont il a passé sa vie, ballotté et irrésolu au dedans, faible et imprévoyant au dehors, n’observant jamais une juste mesure, n’étant jamais d’accord avec les véritables sentimens de la majorité, nous n’entreprendrons pas ce chapitre aujourd’hui : il serait trop long à raconter.

Pour lutter contre toutes ces oppositions réunies que le ministre prétend avoir rencontrées devant lui jusqu’ici, et qui pourraient bien finir par le prendre au mot, ne fût-ce que pour essayer leurs forces, le ministère s’armera, dit-on, du voyage du roi. Ce sera là son grand argument. Examinons donc avec quelque développement cette question importante. Puisque ce sera le terrain du ministère, il faudra que l’opposition l’y suive. Voyons ce que le ministère pourra dire et ce que l’opposition pourra lui répondre.

Nous commencerons par déclarer que nous ne partageons pas, sur le voyage du roi, toutes les idées émises par les journaux de l’opposition. Nous croyons que beaucoup d’exagérations ont été commises de part et d’autre dans ce débat. Si le voyage du roi n’a pas toujours été adroitement défendu, il a été attaqué par des moyens que nous sommes loin d’approuver. A des apologies imprudentes on oppose des critiques passionnées ; à ceux qui disent que le voyage du roi est un évènement inoui, un succès extraordinaire, qui glorifie la politique du cabinet, on répond que c’est un évènement funeste, humiliant pour la France. D’un autre côté, pour éviter ces deux écueils, des gens prétendent que toutes les circonstances du voyage sont des incidens vulgaires, qui ne méritent pas de fixer l’attention des esprits sérieux. Essayons de démêler la vérité à travers ces opinions contradictoires.

Nous avons déjà dit ce que nous pensions du voyage en lui-même, indépendamment de ses résultats. Cette démarche était commandée par de hautes convenances ; la couronne de France devait acquitter la dette contractée par elle au château d’Eu. D’ailleurs, un voyage à Windsor n’avait rien de blessant pour la dignité de notre pays ; la visite du roi s’adressait à la reine Victoria et non à l’Angleterre : le roi abordait seul sur les rivages de la Grande-