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roi qu’une révolution légale a couronné ? Les partisans du gouvernement et de la dynastie de juillet sont-ils donc les ennemis de l’Angleterre ? Ont-ils jamais repoussé l’alliance anglaise ? Sont-ils les partisans de l’alliance russe ? ou bien ont-ils jamais réclamé l’isolement absolu, l’indépendance exclusive et chagrine de la France au milieu des nations ? Ceux qui veulent sincèrement l’alliance anglaise, ceux qui la croient conforme aux intérêts de la France et aux principes de son gouvernement, ceux qui sont d’avis que cette alliance doit être recherchée par des moyens honorables et dignes, ceux-là, disons-nous, doivent se réjouir d’un évènement qu’une politique habile élevée et prévoyante peut utiliser au profit de la France. Vouloir l’alliance anglaise et s’indigner contre le voyage du roi, c’est entrer, bien involontairement sans doute, dans la voie ouverte par les ennemis du gouvernement de juillet, c’est combattre sa propre cause, c’est parler comme les républicains et les légitimistes, sans penser comme eux.

Mais on nous dit : L’accueil fait au roi par l’Angleterre est dû à la politique du 29 octobre ; c’est le fruit des concessions et des faiblesses de notre gouvernement ; voilà pourquoi la France doit repousser les démonstrations amicales de l’Angleterre. Il y a ici, selon nous, une confusion. Qui a dit, en premier lieu, que l’accueil fait au roi par la nation anglaise était dû à la politique de notre cabinet ? Ce sont les journaux du ministère. Qui a fait entendre que, sans les concessions obtenues de notre gouvernement dans les affaires de Taïti et du Maroc, l’Angleterre n’eût témoigné aucun empressement pour la France ? C’est le ministère lui-même. Or, parce que le ministère, cherchant un nouvel appui pour sa fortune ébranlée, trouve bon de rattacher sa politique aux circonstances heureuses qui ont signalé le voyage du roi, l’opposition modérée, l’opposition dynastique et constitutionnelle, se laisse entraîner sur ce terrain perfide, et, confondant à son tour le voyage du roi avec la politique ministérielle, se met à déclarer que les démonstrations amicales de l’Angleterre, puisqu’elles sont le fruit de nos concessions et de nos faiblesses, ne peuvent être acceptées par la France ! Il y a là un grave malentendu. L’opposition dynastique commet une erreur où elle n’aurait pas dû tomber. Le voyage du roi et la politique du ministère n’auraient jamais dû être confondus. Ce sont deux choses distinctes, et dont le rapprochement ne peut profiter qu’à des intérêts étrangers au bien du pays.

Non, il ne faut pas croire que l’Angleterre, en faisant au roi un magnifique accueil, en témoignant pour la France des dispositions amicales, n’a eu d’autre but que de seconder la politique du 29 octobre et d’adresser à la nation française un remerciement ironique. Il faut avoir de l’Angleterre et de nous-mêmes une plus haute opinion. Il faut croire que les démonstrations d’un grand peuple, sont nobles et sincères. Il ne faut pas croire qu’il honore en public ce qu’il n’estime pas en secret. Il ne faut pas lui supposer le misérable calcul de faire de la diplomatie en plein air et dans les rues. A qui s’adressaient les acclamations de la foule sur le passage du roi ? A qui s’adressait