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l’hommage de la Cité de Londres ? Est-ce au roi et à la France ? Est-ce à M. Guizot ? L’Angleterre avait devant elle, d’un côté, le noble représentant d’une grande révolution, le chef d’un pays vraiment constitutionnel, où l’accord si difficile de liberté et des lois présente au monde, depuis quinze ans un admirable spectacle ; de l’autre côté, l’Angleterre avait devant elle la politique du 29 octobre, avec ses concessions il est vrai, mais aussi avec le peu d’estime qu’inspirent ses faiblesses, avec ses vues timides, incapables d’unir les deux gouvernemens dans une association glorieuse. Placée ainsi devant la politique du 29 octobre, devant le roi couronné par la révolution de juillet, devant la France libérale et constitutionnelle, l’Angleterre a-t-elle pu préférer la politique du 29 octobre à la France ?

L’évidence démontre à tous les esprits justes, à tous les hommes sans passion, que deux sentimens très vifs, très puissans en Angleterre, ont particulièrement influé sur la réception qui a été faite au roi, et sur les démonstrations importantes qui l’ont signalée. Premièrement, malgré de longues rivalités, malgré des luttes sanglantes, et en dépit de tous les intérêts qui divisent les deux peuples, la Grande-Bretagne a de profondes sympathies pour notre pays. L’Angleterre libérale et réformiste, aime la France constitutionnelle. Avant que l’empereur de Russie et le roi de Prusse reçoivent en Angleterre l’accueil qui vient d’être fait au roi des Français, de grands changemens se seront opérés dans le monde. En second lieu, l’Angleterre industrielle, commerciale et politique désire la paix. Elle ne dissimule pas le besoin qu’elle en éprouve ; elle sait que la guerre ne lui offrirait pas les mêmes chances qu’autrefois. Par disposition d’esprit, de caractère, par l’élévation des sentimens, par le goût des progrès moraux et matériels, les classes éclairées de l’Angleterre veulent aussi la paix. Une estime affectueuse pour la France, et un besoin généreux de la paix, tel est donc le véritable sens de la réception qui a été faite au roi en Angleterre.

Du reste, le ministère du 29 octobre se trouve placé devant ce dilemme ou bien l’accueil fait au roi par l’Angleterre est dû à la politique du cabinet, c’est-à-dire à ses faiblesses, à ses concessions dans les affaires de Taïti et du Maroc ; alors le langage des journaux de l’opposition est juste ; le voyage du roi, au lieu de réjouir la France, doit l’indigner. C’est un triste évènement pour la dynastie de juillet, une triste gloire pour le cabinet. Ou bien les démonstrations de l’Angleterre, exemptes de ce dessein humiliant qu’on leur prête, s’adressent au roi, à la France, et signifient que l’Angleterre veut la paix, une paix honorable et digue, avec un peuple qu’elle aime et qu’elle estime. Alors on doit demander au ministère du 29 octobre quel parti il a su tirer de ces dispositions favorables. Comment a-t-il utilisé cette situation ? D’où vient qu’elle a si peu servi à sa politique, et qu’elle est devenue si souvent entre ses mains une situation compliquée, difficile, source de graves mécomptes pour la France ?

Voyez en effet l’habileté, les inspirations heureuses du ministère ! Voilà