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mois, que M. Molé s’était mis dans le parti de la guerre ? Heureusement ces calomnies sont usées. Elles ont fait leur temps. Vous ne persuaderez pas à la France que ces hommes honorables, dont le parti conservateur estime le caractère et les talens, puissent s’affliger d’un évènement heureux pour la dynastie de juillet, d’un résultat qu’une politique habile peut tourner au profit de la France. Seulement, ils font entre le voyage du roi et la politique ministérielle une distinction légitime. Si c’est le ministère du 29 octobre qui a reçu le bon accueil de l’Angleterre, si ce sont les concessions de Taïti et du Maroc qui ont provoque l’enthousiasme britannique, ils déplorent cet humiliant triomphe ; mais si c’est le roi, si c’est la France que l’Angleterre, a salués de ses acclamations, si les témoignages d’estime et d’affection du peuple anglais se sont adressés à la royauté constitutionnelle de juillet et à la France libérale des quinze années, les hommes que l’on calomnie, que l’on outrage aujourd’hui dans les journaux du ministère, les personnages éminens que l’on dit ligués par une intrigue centre le ministère et la couronne, déclareront que le voyage du roi est un grand évènement, qui trace le chemin de l’avenir en dévoilant toutes les fautes du passé. On ne dira, pas pour cela que le ministère est une réunion d’hommes incapables. C’est un vieil argument qu’il faut laisser dans le recueil des attaques très peu parlementaires de 1838 et de 1839. M. Martin du Nord et M. Laplagne ont dû recevoir là-dessus quelques explications amicales de M. Guizot. On ne dira pas que M. Villemain, M. Dumon sont des hommes sans talent, que M. Duchâtel manque de tact et ignore les ressources de la stratégie parlementaire. On ne dira pas certainement que M. Guizot manque d’éloquence, et de ce merveilleux aplomb de tribune qui masque admirablement les situations équivoques et mesquines. Mais on dira que la politique suivie depuis quatre ans a été une politique d’expédiens, peu fructueuse au dedans, stérile au dehors, fâcheuse pour la dignité et les intérêts extérieurs du pays ; on dira qu’avec les meilleurs élémens de succès, le ministère a commis plusieurs fautes très graves ; on dira que le voyage du roi est la preuve de tout cela, et l’on aura raison.


La décision de la chambre des lords qui a cassé la condamnation de M. O’Connell semble avoir ouvert une phase nouvelle à l’agitation irlandaise. Dès sa sortie de prison, M. O’Connell donna à son langage une modération inusitée. On put d’abord attribuer sa réserve à l’influence des vigoureuses poursuites du gouvernement, qui venaient de le priver pendant plusieurs mois de la liberté. Aujourd’hui, décidément, la prudence est devenue une tactique pour l’agitateur irlandais. Il ne renonce plus seulement à rassembler le fabuleux meeting de Clontarf et à demander la mise en accusation de ses juges, il fait un pas en arrière du rappel. Telle est la portée du manifeste qu’il a lancé de Derrynane-Abbey, où il est allé prendre un mois de repos et donner de l’occupation à ses meutes oisives. Dans la longue lettre