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qu’il a écrite à l’association du rappel, il assigne désormais pour but à l’agitation l’établissement d’une union fédérale entre l’Irlande et la Grande-Bretagne, au lieu de la séparation législative qu’il avait réclamée jusqu’à présent. A nos yeux, le nouveau plan de M. O’Connell n’est pas plus réalisable que l’ancien ; aussi nous paraîtrait-il puéril d’en discuter, l’économie. Cependant nous ne sommes pas de ceux qui regardent cette feinte retraite comme une faute, ou tout au moins comme un aveu forcé de faiblesse. On dit que la nouvelle attitude de M. O’Connell décourage. Les membres les plus ardens de l’agitation ; il est vrai en effet que M. Duffy, le rédacteur en chef de la Nation, qui passe pour l’organe de cette extrême gauche des repealers qu’on appelle la jeune Irlande, a protesté contre l’adhésion de M. O’Connell au fédéralisme Mais nous sommes sûrs que des protestations de ce genre ne donnent pas beaucoup d’inquiétude au libérateur ; elles ne compromettent pas un instant son influence sur l’Irlande. Nous croyons que l’Irlande ne se fait pas un instant d’illusions que M. O’Connell sur la possibilité du rappel ou de l’union fédérale ; elle laisse son chef choisir le terrain et le mot d’ordre du combat. La grande tactique de M. O’Connell est d’entretenir par tous les moyens dans l’Irlande le sentiment vif et profond de sa nationalité, malgré l’union politique qui l’attache à l’Angleterre. C’est dans ce sentiment qui anime et discipline l’Irlande, que M. O’Connell cherche et trouve sa force de chef de parti. La manifestation qu’il vient de faire, en faveur du fédéralisme lui a été inspirée par cette tactique. Il a vu que des membres de l’aristocratie whig hésiteraient moins à se rallier à l’agitation, si elle était couverte de ce drapeau, et il s’est empressé de l’arborer. On dit même qu’il y a eu sur ce point des pourparlers et une sorte de concert entre M. O’Connell et un membre de l’ancien ministère whig, lord Monteagle. Les tories irlandais eux-mêmes, les anciens orangistes, étonnés, ébranlés, refroidis d’ailleurs envers le ministère actuel, semblent incliner vers un arrangement qui flatterait aussi leur vanité d’Irlandais ; c’est de leurs rangs qu’est sorti le plan fédéraliste si vivement adopté par M O’Connell M Grey-Porter, sheriff d’un comte où la majorité de la population est protestante, a pris parmi eux l’initiative de ce mouvement. Quant à nous, nous voyons dans ces dispositions des symptômes de force plutôt que des présages d’affaiblissement pour la cause des griefs de l’Irlande que défend M. O’Connell. Cette situation obligera certainement sir Robert Peel à tenir les promesses qu’il a faites à l’Irlande à la fin de la dernière session.

La Puissance de ces agitations que tolèrent les mœurs politiques du royaume-uni se fait sentir immédiatement sur le terrain électoral. Ces grandes associations organisées et conduites comme des armées emploient habilement les moyens d’action considérables dont elles disposent à surveiller la confection des listes électorales, la registration. L’un des chefs du mouvement irlandais, M. Smith O’Brien, prétendait dernièrement que les efforts des repealers doubleraient aux prochaines élections le nombre des représentans