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bien long-temps, récemment encore, les uns, et c’est le plus grand nombre, l’ont combattue avec énergie, les autres, ceux qui depuis un an n’ont pas cessé de la vouloir en secret, et qui enfin l’ont ouvertement demandée, ont eu à lutter eux-mêmes contre leurs propres hésitations. Il suffira de bien établir comment ceux-ci on surmonté leurs incertitudes, comment ceux-là ont sacrifié leurs scrupules, pour démontrer que les mis et les autres se sont trop pressés de soulever les discussions périlleuses qui vont s’ouvrir aux cortès.

Les pronunciamientos anti-espartéristes ont eu lieu au nom de la constitution de 1837. C’est pour avoir dissous les cortès, qui se proposaient de réorganiser le pays en vertu de cette constitution, que M. Olozaga est tombé. Plus tard, quand les plus anciens membres du parti modéré ont renversé M. Bravo, ils avaient pour principal grief que le jeune président du conseil était demeuré trop long-temps en dehors de la charte. C’est assez dire qu’au mois de mai dernier, la pensée ne pouvait venir, à Narvaez ni à ses collègues de refaire l’œuvre des cortès constituantes de 1837. Il faut ici rectifier une erreur qui a jusqu’à ce jour empêché de bien apprécier, de bien comprendre les premières déterminations, les premiers actes du cabinet de Madrid. Au mois de juin, quand M. le marquis de Viluma se vit obligé de renoncer au portefeuille des affaires étrangères immédiatement, après en avoir pris possession, le bruit s’est répandu en Europe que M. de Viluma avait tout simplement proposé de substituer l’estatuto real à la constitution de 1837. Non, si à Barcelone l’ancien ambassadeur a Londres avait de prime abord émis une telle opinion, nous doutons fort que l’on eût fait venir tout exprès MM. Mon et Pidal de Madrid, pour la discuter en plein conseil. M. de Viluma ne proposait aucune modification à la loi fondamentale de l’Espagne ; le débat ne porta que sur les mesures projetées par MM. Mon et Pidal pour la réorganisation de la Péninsule. M. de Viluma entendait que ces mesures fussent promulguées par décrets, sauf à obtenir plus tard l’assentiment des cortès. C’était, en un mot, le système de M Gonzalez-Bravo, auquel on comprenait bien que l’on ne pouvait revenir.

Quoi qu’il en fût cependant, ce n’étaient pas seulement les intentions présentes, mais, si l’on peut ainsi parler, les intentions ultérieures de M. de Viluma, qui jetaient l’alarme parmi les jeunes membres du parti modéré. Au fond, il ne s’en cache point, M. de Viluma est un pur estatutiste ; on ne doutait pas que, de proche en proche, il n’en vînt à se déclarer ouvertement en faveur de la charte octroyée à l’Espagne par M. Martinez de la Rosa. Voilà pourquoi, dans la Péninsule, sa retraite excita une joie vive et profonde, à laquelle, en France et dans le reste de l’Europe, s’associèrent les vrais amis de l’Espagne et du régime constitutionnel. Il y eut alors, au-delà des Pyrénées, comme une recrudescence de libéralisme. Pour la première fois depuis dix ans on respirait à l’aise, car la guerre civile avait suscité la dictature Espartero, et à la dictature du comte-duc avait, ou peu s’en faut, immédiatement