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anglais ; ils inscrivaient sur leurs drapeaux les trois mots de liberté, unité et indépendance, avec l’emblème de deux mains qui se serraient.

Le parti de l’indépendance italienne, ce parti qui voulait combattre en 1799 les Français et les Autrichiens, les démocrates et les royalistes, était représenté dans cette nouvelle période par les deux gouvernemens de Naples et de Milan. Malheureusement Murat et Beauharnais étaient deux étrangers, deux rivaux, divisés par des intérêts personnels et politiques. Napoléon avait mesuré l’indépendance qu’il voulait donner à l’Italie ; la rivalité du vice-roi de Milan et du roi de Naples entrait dans ses calculs, et il fut impossible de renverser l’œuvre de sa politique. C’est en vain que les Italiens plus d’une fois avaient cherché à réunir les deux princes, pour que l’Italie pût, à l’exemple de la Suède, conquérir son indépendance. Murat s’isolait ; Beauharnais fidèle à la France, devait perdre toute autorité à l’abdication de Napoléon, et l’indépendance du royaume d’Italie se trouvait livrée à la merci du sénat de Milan. Chose étrange ! le royaume d’Italie était le centre politique de la péninsule ; il réunissait six millions d’habitans, il avait une armée, un sénat, un ministère composé d’Italiens ; Milan avait été élevée inopinément au rang de capitale, elle avait vu tous les hommes d’élite de la péninsule se réunir dans son enceinte, et Napoléon n’avait oublié personne. Livrer Milan, c’était livrer le royaume, c’était livrer l’Italie. Eh bien ! tout ce brillant édifice péchait par la base. La bourgeoisie lombarde avait été si peu initiée à la vie politique, qu’en 1814, après avoir profité de tous les avantages de la domination française, elle n’avait pas encore compris cette grande pensée du royaume d’Italie ; une partie de la noblesse, qui aurait anéanti le pays plutôt que de consentir à la perte de ses privilèges, appelait l’Autriche à son aide ; les libéraux s’égaraient dans les rangs de la noblesse, et au moment du danger, les fonctionnaires, seuls intéressés à l’indépendance, se trouvaient sans appui, sans influence ; le royaume d’Italie n’était plus qu’une machine administrative qui devait succomber au premier choc.

Dès qu’on apprit l’abdication de l’empereur, une conspiration austro-libérale tenta de soulever l’armée italienne contre Beauharnais, qui était à Mantoue. La conspiration, ayant échoué à Mantoue, prit Milan pour théâtre. Le 20 avril 1814, le palais du sénat fut entouré par la foule, les sénateurs bonapartistes qui arrivaient pour régler les affaires courantes se virent accueillis par des huées. On demandait la révocation d’un message qui reconnaissait le gouvernement de Beauharnais et la convocation des collèges électoraux pour disposer de la souveraineté. Les émeutiers, pris dans la dernière classe du peuple, étaient dirigés