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défendit de mettre pied à terre ; il retourna à Messine, et on lui défendit de rentrer dans la ville en braquant le canon sur ses troupes. L’armée autrichienne occupa bientôt tout le royaume.

La tâche de réduire le Piémont, confiée au comte Bubna et à une armée de douze mille hommes, ne fut pas accomplie moins aisément. La nouvelle de la débandade de Rieti consterna le parti libéral piémontais. Le nouveau roi rejetait la constitution ; son refus avait refroidi la junte de Turin, et le prince de Carignan, qui avait été entraîné malgré lui, restait dans l’inaction. Santa-Rosa et ses amis partirent d’Alexandrie pour le presser de déclarer la guerre à l’Autriche. Il ne voulut pas les recevoir ; puis, les voyant, soutenus par l’opinion, Carignan nomma Santa-Rosa au ministère de la guerre, et dans la nuit il consomma sa trahison en quittant Turin pour se réfugier au quartier-général du comte Bubna. Santa-Rosa se trouva alors seul, responsable de la révolution piémontaise. Le sort de Naples, la débandade de Rieti, la volte-face de Carignan, tout tournait contre lui ; les carabiniers de Turin menaçaient de se soulever ; une partie de l’armée piémontaise, cantonnée à Novare et commandée par le général Latour, se joignait aux régimens autrichiens du comte Bubna ; enfin les succès de l’Autriche, le calme de la Lombardie, l’attitude de la sainte-alliance, ne laissaient plus d’espoir. Jamais situation plus déplorable n’avait été léguée à un ministre. Il fallait d’abord ranimer le courage de la junte. Santa-Rosa promit l’appui de la France et de la Lombardie. On refusa de croire à cette téméraire assurance. La cause du Piémont étant désespérée, Santa-Rosa aurait voulu accepter la médiation de la Russie, que le chargé d’affaires du czar présentait comme favorable : cette médiation fut repoussée avec énergie par les carbonari d’Alexandrie. Pour contenir les carabiniers de Turin, le ministre de l’insurrection était réduit à faire venir à la hâte de Savoie deux régimens dévoués à la révolution, au risque de provoquer une collision dans les rues entre les soldats du gouvernement et ceux de la propagande. Enfin il fit partir les généraux Ferrero, Marzoni et Saint-Marsan, pour combattre à Novare l’armée austro-piémontaise de Bubna et de Latour, et le 9 avril l’armée constitutionnelle était en déroute, vaincue par le nombre, après avoir fait bonne contenance pendant quelques heures. Latour rentra dans Turin avec les régimens Piémontais. Alexandrie et les autres places furent occupées par les troupes du comte Bubna. Santa-Rosa, dont une plume éloquente a retracé dans cette Revue même la vie errante et agitée[1], fut le seul

  1. Voyez l’article de M. Cousin, sur Santa-Rosa, dans la livraison du 1er mars 1840.