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mais il a en partie élevé son système sur cette boutade de Rousseau. L’homme qui pense est un animal dépravé.

L’histoire jusqu’au XVIe siècle est, aux yeux de l’auteur de la Théorie du Pouvoir, le développement régulier des principes qu’il a posés. Il esquisse à grands traits, et avec une notable vigueur, la mission et les destinées du christianisme, la venue de Jésus-Christ, les progrès de la religion. Il a des pages énergiques sur les croisades, sur le mahométisme, sur les ordres monastiques, sur les effets de l’autorité des papes. Nous remarquerons en passant qu’en 1796 M. de Bonald n’avait pas sur le pouvoir pontifical les opinions d’un ultra-montain, mais celles d’un gallican. Après avoir établi que l’infaillibilité n’appartient pas au pape, mais à l’église en corps, il ajoutait : « Ce sont les vrais principe, et c’est la doctrine de l’église de France. Aussi il est essentiel d’observer que les justes droits du saint-siège sont plus affermis en France que dans aucun autre royaume de la chrétienté, parce que son autorité y est renfermée dans de justes bornes »-Trente-trois ans plus tard, en 1289, M. de Bonald ne jugeait plus avec la même rectitude les rapports de l’église et de l’état : à cette époque, il écrivait à M. de Frenilly que les libertés de l’église gallicane, qu’on a exhumées de la poussière des écoles, ont toujours merveilleusement servi à ceux qui ont voulu opprimer l’église, à la magistrature, à Bonaparte. En 1829 comme aujourd’hui, il était de bon goût dans un certain monde d’excommunier les libertés de l’église gallicane : temps de, vertige au reste pour le parti royaliste non moins que pour le clergé, temps où l’on voyait des archevêques imprimer dans leurs mandemens que, combattre le ministère Polignac, c’était ne vouloir ni monarchie ni christianisme.

Dès que Luther paraît dans l’histoire, la colère de M. de Bonald s’allume, et elle l’emporte jusqu’à la comparaison du réformateur avec Mahomet. Comme le prophète des Arabes, l’apôtre de Wittenberg a répandu sa doctrine par l’intérêt, la volupté et la terreur. Le divorce, introduit par le protestantisme, est déclaré par le publiciste catholique une polygamie plus funeste, plus destructive de la société religieuse et politique que celle de l’Orient. Ne nous étonnons pas de sa haine conte la réforme ; il y voit la cause de la révolution. Or les principes de 1789, la réforme et la philosophie, ne peuvent qu’engendrer l’anarchie et l’immoralité : Devant ces exagérations, devant ces colères, une réfutation sérieuse est inutile. Il y a cinquante ans qu’écrivait M. de Bonald, et, depuis cette époque, les faits ont répondu