Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/640

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

car ce n’était plus en quelques années, mais en trois jours, que s’abîmait l’antique royauté par une nouvelle et irrémédiable chute. Aussi, dans le camp royaliste, on passa bientôt d’une stupeur douloureuse à tous les mouvemens de la colère ; dans les premières années qui suivirent 1830, les discussions de la presse présentèrent le spectacle d’une mêlée ardente et d’alliances singulières ; le langage des légitimistes différait peu de celui des démocrates ; les passions des premiers étaient si vives, qu’elles fraternisaient presque avec les théories des seconds. Rien ne recommanderait aujourd’hui cette époque à notre souvenir, si M. de Chateaubriand n’eût pas alors écrit quelques pages. C’est un bon parti, quand on aime la gloire, que de s’attacher au malheur. Cette pensée de M. de Chateaubriand a été la règle de sa conduite, et nous dirions volontiers, pour parler avec Montesquieu, qu’en examinant ses actes et ses écrits politiques depuis quatorze ans, on voit qu’il a tout tiré de ce principe. Ceux qui, encore aujourd’hui, s’autorisent de quelques démarches pour voir dans l’illustre écrivain un royaliste enthousiaste s’abusent fort ; à travers sa longue carrière, M. de Chateaubriand n’a jamais eu qu’un souci, qu’un culte, sa propre gloire. Aujourd’hui, sa fidélité à d’anciens souvenirs est un dernier éclat dont il veut illuminer sa tombe ; aujourd’hui, il songe peu aux vivans, quels qu’ils soient, mais il songe beaucoup à ce qu’on dira de lui dans la postérité. Laissons donc de côté ce grand nom, en nous occupant de ce qu’a fait dans ces dernières années la presse légitimiste, et parlons plutôt de M. de Genoude.

Après avoir prêté un appui sans restriction à M. de Villèle, après avoir donné une adhésion presque entière à l’administration de M. de Polignac, il ne paraissait guère possible pour un journal, pour un parti, d’attaquer le gouvernement de 1830 sur ce fondement, qu’il n’était pas assez libéral. C’est cependant ce qu’entreprit la Gazette de France. Il n’y a qu’un parti en France qui ait aimé et connu la vraie liberté et qui puisse en doter le pays, c’est le parti royaliste : telle est la thèse que la Gazette de France développe et soutient depuis douze ans avec un imperturbable aplomb. Quel en est l’inventeur ? Est-ce M. Lourdoueix ou M. de Genoude ? Question grave que nous ne pouvons résoudre. Nous savons seulement que M. de Genoude s’est approprié cette thèse par l’infatigable ténacité avec laquelle, depuis douze ans, il la reproduit sous toutes les faces. A vrai dire, la Gazette n’existe que par M. de Genoude ; c’est lui qui la représente et la constitue. Il importe donc de peser les titres et d’apprécier la valeur de ce chef de parti.