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le haut patronage de l’état. M. de Genoude sera-t-il plus écouté du pays parce qu’il prêche le droit héréditaire et le vote universel ? Mais le pays, il y a quatorze ans, a replacé l’hérédité monarchique à la tête de ses institutions, et quant au suffrage universel, il n’a pas le moindre penchant pour ce système non moins erroné que périlleux. Les fautes irréparables de la branche aînée des Bourbons auraient perdu pour toujours le principe social de l’hérédité monarchique, si la sagesse du pays ne l’eût relevé et ne lui eût assuré, dans l’intérêt de tous, un nouvel avenir en le transplantant. Sur ce point, des faits récens peuvent convaincre les plus incrédules. Quand M. le duc d’Orléans a si funestement disparu, tous les yeux se sont portés sur son fils, et le principe de l’hérédité monarchique n’a paru ni chose éteinte, ni lettre morte En 1830, la révolution française ne s’est pas égarée dans les théories et les rêves d’une démocratie extrême ; elle s’est affermie, elle s’est éternisée en se modérant, en attirant à elle, en s’appropriant tous, les principes nécessaires et vitaux que contenait encore le passé.

C’est ce que ne sauraient trop comprendre les personnes qui à des sentimens légitimistes joignent une haute probité politique et un sincère amour du pays. L’autorité incontestable des faits et la marche irrésistible du temps ont désarmé les légitimistes, nous parlons du parti et non des individus. Comme parti, quel rôle peuvent-ils jouer qui ne soit mieux rempli par d’autres ? Prétendent-ils se distinguer comme défenseurs des principes d’ordre et de stabilité, ils trouvent la place prise par un parti conservateur nouveau et considérable que la révolution et la monarchie de 1830 ont mis au monde. S’ils veulent au contraire se recommander au pays comme les champions de la liberté et des réformes politiques, peuvent-ils avoir l’ambition de mieux dire et de mieux faire sur ce point que l’opposition constitutionnelle, qui à gauche est puissante par la sincérité de sentimens populaires, au centre gauche par l’ascendant de ses talens politiques ? Nous ne saurions supposer, quand nous songeons au passé et aux intérêts positifs des légitimistes, qu’ils puissent jamais, en désespoir de cause, arborer l’étendard des réformes sociales ; au surplus, ici encore, ils arriveraient trop tard : la révolution française a enfanté des sectes qui, en matière d’utopies, ne laissent rien à désirer, rien à ajouter. D’ailleurs, il est des contre-sens monstreux devant lesquels doivent reculer les partis et les hommes les plus intrépides ; tracer la route à une troisième restauration à travers une révolution nouvelle qui ne saurait qu’un bouleversement social est une énormité dont nul homme, nul parti en France, nul gouvernement en Europe n’oserait vraiment