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les saints de sa foi, les noms de saint Anselme et de saint Thomas de Cantorbéri celui même de Wolsey, devancent sous sa plume le nom de Laud. Aussi ses vœux n’appellent-ils pas seulement le retour de la splendeur de l’église ; il désire hautement l’union des églises qui ont conservé dans l’épiscopat la tradition apostolique. « Tout vrai chrétien aspire, dit-il, à voir rétablir dans l’église, l’unité sainte. » Il espère que sa foi régénérée placera l’Angleterre à la tête des communions catholiques ; il envie pour elle « un nom plus sacré que celui de maîtresse et que la foi répéta de rivage en rivage, le nom de mère des églises. » Dans des vers écrits à Rome même, il adresse à la papauté des reproches qui certes, dans la bouche d’un Anglais, nous semblent le plus significatif des hommages. « Rome sans cœur ! grand est ton péché de n’avoir pas encore révoqué l’arrêt cruel sous lequel nous gémissons dans les terres étrangères… En des jours plus purs, les enfans de l’église, semblables dans leur union à la robe sans couture de leur maître, demeuraient fermes contre le schisme et l’hérésie. Et maintenant que mon cœur est attristé de te voir infidèle au commandement de ton Seigneur ! » Après cela, lord John Manners n’a été que conséquent avec lui-même, lorsqu’à la chambre des communes il a invité le gouvernement à rétablir les relations diplomatiques avec Rome.

Les idées religieuses de lord John Manners avaient sur ses sentimens politiques une influence qui ne nous parait pas justifiée, à l’époque déjà éloignée, il est bon de le remarquer, à laquelle remontent ses poésies. En prenant parti pour les principes catholiques de l’église anglicane, lord John Manners a pris aussi parti pour les hommes politiques qui se firent les défenseurs de ces principes. Aussi, dans l’histoire de son pays, il se range vaillamment du côté des Stuarts contre les révolutionnaires de 1640 et de 1688. Lord John Manners avoue à cet égard ses sympathies et ses antipathies avec une verte franchise. Il a contre les têtes rondes la vive haine d’un compagnon de Montrose ou d’un cavalier du prince Rupert. Dans des pièces de vers datées d’Avignon et de Rome, il donne à l’infortune des Stuarts de pieux regrets ; il a écrit, au contraire, sur Guillaume de Nassan d’amères paroles. Ce sont de ces caprices de sentimens que la réflexion et la maturité corrigent bien vite dans ce qu’ils ont de faux, mais qui, oserai-je le dire ? honorent presque la première jeunesse, car la générosité palpite au travers. Qui de nous, par le cœur, n’a pas été républicain en lisant Démosthène ou Tacite, ou n’a porté, par l’imagination, les