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couleurs jacobites avec Flora Mac-Ivor et Diana Vernon ? John Manners n’a pas été seulement loyaliste dans le passé. Lorsqu’il quitta l’université, au moment où il dut faire ce voyage sur le continent qui est le complément de l’éducation anglaise, les Basques dépensaient pour Don Carlos les derniers efforts d’un héroïsme qui ne devait pas tarder à se lasser : lord John Manners alla passer un mois en Navarre, dans l’armée du prétendant, au milieu de ces montagnes « où, dit-il, la chevalerie pâlissante a conservé sa dernière forteresse. » Je ne sais pourquoi lord John Manners n’est pas demeuré plus long-temps parmi les jacobites espagnols ; son séjour a été trop court pour donner des couleurs intéressantes aux poésies, qu’il a consacrées à ses souvenirs de la guerre carliste.

Dois-je aborder le livre de M. Smythe avec les vers que lord John Manners, au retour de son voyage du continent, adressait à son ami ? Après avoir rappelé les principales impressions qu’il eût voulu partager avec lui, dans ses courses à travers l’Europe ; « mais maintenant, lui dit-il, presser ta main, lire l’amitié qui rayonne dans ton œil bleu, te souhaiter la bienvenue, est l’heureux lot de celui dont la tendresse voit déjà dans un plus noble avenir ton nom briller d’un lustre immortel. » Il y a bien dans ces vers un des aimables parfums de la jeunesse, de cette heureuse saison où l’admiration jaillit de l’amitié avec tant de confiance et de naturel ; mais ne serait-il pas dangereux pour M. Smythe qu’on prît au mot l’amical enthousiasme de lord John Manners ? N’y aurait-il pas trop de sévérité à chercher déjà, dans les Historic Fancies, la réalisation d’une promesse d’impérissable renommée ? Je le craindrais. Le livre de M. Smythe donne de belles espérances, mais l’éclat ineffaçable n’y est pas. Il annonce chez l’auteur un talent élevé, un esprit attrayant, un caractère plus attrayant encore peut-être ; mais M. Smythe lui a laissé à dessein, il me semble, des allures de jeunesse qui, on le sait bien, pour des œuvres de littérature politique, sont tout le contraire d’une garantie d’immortalité. Je ne parle encore que de la forme des Historic Fancies. À coup sûr elle ne ment pas au titre de l’ouvrage : rien ne saurait être plus capricieux. M. Smythe voulait saisir, retenir, arrêter avec la plume celles de ses impressions historiques qui lui paraissent devoir influer sur ses principes politiques. Il a mis dans le choix de ses procédés une fantaisie, une variété dont le désordre n’est pas d’abord sans agrément, dont, à la première vue, l’intention paraît originale et élégante ; M. Smythe emploie indifféremment les vers et la prose pour exprimer sa pensée. À une étude sérieuse et brillante sur une grande question