Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/726

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sentimens du royaliste de Vendée et du jacobin de Paris, et fermée par la peinture d’une soirée, chez la citoyenne Tallien, où l’on entrevoit au milieu des dissipations du directoire cette tête « aux longs cheveux flottans, aux yeux étincelans de génie, aux traits réguliers comme ceux d’un Antinoüs, aux lèvres serrées et dédaigneuses, » qui va bientôt être immortalisée par le jeune général de l’armée d’Italie.

Je ne me plains pas de l’admiration que M. Smythe professe pour notre aristocratie historique. Les dehors splendides, le côté imposant et fastueux des vieilles et illustres familles de la monarchie captivent M. Smythe. Malgré les révolutions qui leur ont enlevé en France la constitution et l’influence d’un corps politique, M. Smythe persiste à voir en elles la plus brillante aristocratie du monde. Cette illustration est une des gloires, une des supériorités de la France, et nous n’avons garde de la contester. Il n’y a plus chez nous d’aristocratie fondée sur les institutions ; mais tant que durera l’orgueil naturel des races, et je dirais presque la piété des traditions de famille, il y aura une noblesse. Ce magnifique privilège du sang, qui fait que l’on porte en soi pour ainsi dire plusieurs siècles de l’histoire de sa patrie, ces souvenirs des aïeux, ces images des ancêtres devant lesquels le patricien romain sentait l’amour de la gloire briller en son cœur comme une flamme, exalteront toujours les âmes assez grandes pour les comprendre et s’en pénétrer. La France doit en grande partie à sa noblesse cette suzeraineté du goût, de l’esprit et des manières, qui force à devenir Français et Parisien tout ce qu’il y a d’éminent en Europe. Quand les anciennes familles qui ont survécu aux révolutions n’auraient encore d’autre rôle que de nous conserver avec cette royauté délicate un des élémens les plus réels de l’influence et de la grandeur de notre pays, leur illustration ne serait pas même aujourd’hui tout-à-fait stérile. J’aurais aimé cependant que M. Smythe abordât avec moins de timidité la question intéressante que soulève la position d’une partie considérable des grandes familles historiques de la France ; j’aurais voulu que M. Smythe combattit plus nettement les répugnances qui les retiennent dans une opposition oisive à l’ordre nouveau fondé depuis quinze années. Il a bien indiqué, ce qu’il y a de pénible et de contradictoire dans l’attitude de cette portion de notre ancienne aristocratie politiques. « C’est une chose triste, dit-il, que des hommes dont les sympathies sont nécessairement du côté de l’autorité soient amenés, par la fausseté de leur position, à l’affaiblir et à la combattre. Quelle situation déplorable ! Hommes de pouvoir, ils jouent le jeu de la démocratie ; conservateurs,