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Gustave et M. le Prince, je dirais que ç’a été le premier président Molé. »

Les études biographiques de M. Smythe sur la révolution française lui font doublement honneur ; elles montrent qu’il s’est approprié avec un soin remarquable chez un étranger, et surtout chez un Anglais, cette grande période de notre histoire, et elles prouvent que son esprit sait dominer les passions de parti et les préjugés nationaux. Les portraits de Mirabeau, de Saint-Just et de Robespierre sont tracés avec une fidélité scrupuleuse et une justesse très intelligente ; celui de Mirabeau annonce que M. Smythe a fait une étude attentive du talent oratoire de notre magnifique tribun ; on y rencontre des traits qui indiquent une connaissance très familière du sujet, cette observation entre autres : « On suppose trop généralement que Mirabeau n’était supérieur que dans la violence, dans l’énergie de Démosthènes. Ses discours renferment pourtant des morceaux où la pensée est condensée avec un art aussi exquis, sous une forme aussi achevée que dans aucun de ceux que prononcèrent jamais M. de Serres ou M. Canning. » Et M. Smythe en cite plusieurs exemples très heureusement choisis L’étude sur Robespierre est la plus complète, c’était peut-être pour M. Smythe la plus périlleuse à tenter. Toucher au nom de Robespierre, discuter froidement ses paroles et sa conduite, c’est presque du courage chez un Anglais. M. Smythe me paraît avoir d’autant mieux réussi, que la tâche était plus difficile. Après avoir reproduit avec impartialité la carrière politique de cet homme sinistre, M. Smythe est amené à une appréciation que les esprits bien faits et les cœurs honnêtes de tous les pays et de tous les temps seront toujours forcés d’accepter. « Robespierre, dit-il, appartenait à cette espèce de monstres que Scaliger a appelée les monstres sans vice. On a voulu tirer une sorte d’indemnité pour ses barbaries de la pureté de ses mœurs et de l’austérité de son caractère… Le motif de la cruauté de Robespierre fut l’intensité de son amour-propre, il était l’incarnation de l’orgueil mais ce n’était pas chez lui, comme dans le caractère anglais, une confiance en soi franche et assurée : c’était plutôt un sentiment chagrin, soupçonneux, craintif, une ombre flottante de cette préoccupation de soi qui fut la maladie de Rousseau. Ce fut à ce démon qui le possédait qu’il sacrifia ses hécatombes de victimes. » M. Smythe cite ensuite les jugemens portés sur Robespierre par Mirabeau et Napoléon : « L’enseignement de sa vie, ajoute-t-il, est le même que celui que l’Angleterre put tirer de la politique des successeurs immédiats