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au milieu d’une légère brume, l’approche de la côte d’Angleterre.

Ma bonne fortune m’a fait rencontrer, au débarqué sur le quai de Douvres, M. William Cubitt, l’illustre ingénieur des chemins de fer du sud-est : il voulait bien me faire voir lui-même les prodigieux travaux qu’il a exécutés entre Douvres et Folkstone ; nous avons commencé par la galerie qui passe sous le fort Archcliffe et la belle terrasse suspendue qui se trouve dans le rayon des fortifications. Il avait à s’entendre sur quelques ouvrages mixtes avec le génie militaire, et cette circonstance m’a procuré l’avantage de faire connaissance avec le colonel Jones, directeur des fortifications de la division. J’ai pu admirer la simplicité avec laquelle se règlent chez nos voisins les affaires du génie, et, le lendemain, j’ai dû à l’obligeance du colonel la faculté de visiter à l’aise l’établissement militaire de Douvres. Cette faveur ne m’a point été accordée sur l’opinion que la qualité de bourgeois de Paris pouvait donner au colonel de mon ignorance ; nos officiers les plus clairvoyans reçoivent, à cet égard, en Angleterre, l’accueil le plus libéral.

L’entrée du port de Douvres est suffisamment défendue par le fort Archcliffe assis, à l’ouest, sur un contre-fort de la montagne qui s’avance dans la mer. Des terrasses du fort, un Anglais peut contempler, avec un légitime orgueil un spectacle toujours magnifique et toujours varié. Les navires qui vont de la Manche dans la Tamise et la Medway, ou qui naviguent en sens inverse, serrent la côte pour abréger leur route ou pour prendre des pilotes à Douvres ; ceux qui viennent de la mer du Nord ou qui s’y rendent font la même manœuvre parce que, de ce côté, le canal est plus profond et moins tourmenté des vents d’ouest que de l’autre. Le resserrement du détroit, le voisinage de Londres, le gisement des côtes les plus commerçantes du continent, déterminent sur ce point la plus active circulation maritime du globe ; une flotte qui se renouvelle à chaque heure y est perpétuellement en vue. À ce moment, nous ne comptions pas devant nous moins de soixante-quatorze voiles ; les unes annonçaient, par leurs dimensions, l’Inde ou les régions équinoxiales dont elles rapportaient les richesses ; les autres portaient à la Méditerranée les tributs de la Baltique ; nos grands caboteurs de Dunkerque et de Bordeaux se distinguaient dans la foule ; la Hollande, les villes anséatiques, l’Amérique du Nord, n’y étaient pas les moins bien représentées ; mais, il faut l’avouer, Londres était le but ou le point