Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/784

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de départ de la plupart de ces navires, et les autres semblaient n’être là que pour faire cortège à la grandeur britannique.

Le fort Archcliffe est le seul ouvrage voisin de la mer : la ville elle-même est ouverte ; mais les hauteurs qui l’environnent sont occupées par un camp retranché d’une centaine d’hectares, où les ingénieurs ont tiré un habile parti des avantages naturels du terrain.

Cet espace montueux et accidenté est tapissé d’un de ces verts gazons que le continent envie aux îles Britanniques ; plusieurs pavillons séparés et de grandeur médiocre s’élèvent au milieu de la pelouse ; sont les casernes. Il est impossible d’en imaginer de plus champêtres point de cours fermées, point de longues murailles, point de factionnaires à chaque porte, comme chez nous. Une musique, fort bonne pour des Anglais, répétait aux échos des airs de Rossini, et, sans les vestes rouges des habitans de ce séjour, on aurait pu s’y croire en Arcadie. La tenue des chambrées, beaucoup moins sévère que chez nous, ne fait point contraste avec le reste : j’y ai trouvé, entre autres choses que je ne m’attendais pas à rencontrer, des femmes qui semblaient être chez elles. Cette liberté d’intérieur, ce négligé du chez soi, dont nos soldats abuseraient peut-être, sont une juste et intelligente compensation des rigueurs de la discipline anglaise : plus l’action est violente, plus le repos veut être complet. Il n’y a de bonnes troupes que celles qui sont contentes de leur sort, et si le soldat qui manque à ses devoirs encourt ici des châtimens terribles, celui qui les remplit est fort doucement traité. Il est rare qu’il hésite long-temps dans cette alternative. J’ai été frappé de l’air calme et satisfait qui régnait sur les visages.

Je ne me donnerai point le ridicule de prétendre m’être fait, dans cette circonstance et dans quelques autres non moins fugitives, une idée exact de l’organisation de l’armée anglaise ; mais dans un temps où les points de contact sont si multipliés entre la France et la Grande Bretagne, c’est un devoir pour les moindres d'entre nous de signaler les circonstances saillantes qui donnent à cette organisation un avantage sur la nôtre.

Les troupes anglaises se recrutent exclusivement par des enrôlemens volontaires que l’état favorise par des primes variables suivant les temps et les circonstances ; elles sont aujourd’hui de quatre livres sterling (101 francs). Aucun homme âgé de plus de vingt-cinq ans n’est admis dans l’armée, et l’engagement est contracté pour la vie, ou du moins pour les vingt années qui donnent droit à la retraite. J’ai entendu, en