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d’entretien seront excessifs. Voici ce qu’oppose à ces craintes la nature même des lieux.

Placées sous un ciel plus humide, sous un soleil moins vif et peut-être aussi sous des vents moins violens que les dunes du golfe de Gascogne, celles du Pas-de-Calais sont beaucoup moins mobiles ; la sécheresse n’a, vers Boulogne, ni la durée ni l’intensité de celle de Bayonne, et les sables calcaires de la Manche ont plus d’adhérence que des sables siliceux. Sur le tracé même du chemin de fer est un exemple frappant de la portée de ces différences. Les faibles ruisseaux qui coulent sous les villages de Neufchâtel, de Danne et de Carniers, descendent à la mer au travers des dunes, et leur cours n’est jamais intercepté que momentanément. Dans les dunes de Gascogne, des courans bien plus puissans, refoulés par l’amoncellement des sables, forment les étangs de Cazaux, de Biscarosse, de Soustous. Ici, ces filets d’eau ramènent à la mer presque tout le sable que le vent jette dans leur lit, et, pour les faire servir de barrière contre les dunes, il suffirait d’un travail d’entretien plus attentif que dispendieux. À Neufchâtel et à Danne, où le chemin de fer se rapproche des dunes, la marche des sables est trop lente, fussent-ils abandonnés à eux-mêmes, pour qu’ils l’atteignissent de cent ans ; entre Camiers et Étaples, on pourrait les éviter en l’infléchissant à l’est, mais il a été jugé plus sûr de traverser, par, un souterrain d’environ 1,200 mètres, l’espace exposé, et ce parti ne laisse pas place à la moindre inquiétude. Entre la Canche et l’Authie, le tracé marche sur une longueur de 16 kilomètres parallèlement à un autre groupe de dunes ; mais il en est séparé par l’humide et fertile vallée de Cuq et de Merlimont. Quant aux vents d’ouest, partout ailleurs qu’au travers de la vallée de la Canche, les convois en seront préservés par les dunes elles-mêmes, qui dominent de 60 à 80 mètres le plan sur lequel ils rouleront. Le voisinage des dunes n’a donc, pour le chemin de fer, d’autre inconvénient que d’étendre un désert stérile là où l’on aimerait à voir des campagnes fécondes, des villages populeux alimenter une active circulation.

C’est quelque chose que la sécurité des actionnaires et des voyageurs du chemin de fer ; mais ce n’est pas tout ce dont il y ait à se préoccuper ici. Si les dunes n’y avancent pas de 20 mètres par an, comme entre la Gironde et l’Adour, au lieu de marcher sur des landes stériles, elles touchent aux terres cultivées ; si l’envahissement est moins étendu, le sol à défendre est cent fois plus précieux. Dans le midi, la difficulté d’aborder les dunes au travers de solitudes sablonneuses, de marais et de lacs, enlève tous les profits de l’exploitation ;