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qu’on retrouvait avec agrément dans la société et dans l’intimité, aux années du Consulat et de l’Empire, celui qui, n’ayant plus rien d’érotique au premier aspect, rachetait ces pertes de l’âge par quelque chose de fin, de discret, de noble, que tous ceux qui l’ont approché lui ont reconnu. Plusieurs de ses poésies portent témoignage de sa liaison étroite avec les Macdonald, les Massa ; c’est vers ce temps aussi qu’il dut beaucoup à Français (de Nantes). Les détails de cette dernière relation sont touchans et honorent les deux amis. Les Muses, de tout temps, ont eu à souffrir, elles ont eu souvent à solliciter ; seulement elles le font avec plus ou moins de dignité et de conscience d’elles-mêmes. Théocrite, dans sa belle pièce intitulée les Graces ou Hiéron, a dit : « C’est toujours le soin des filles de Jupiter, toujours le soin des chantres, de célébrer les immortels, de célébrer aussi les louanges des braves et des bons. Les Muses sont des déesses, et les déesses chantent les dieux, tandis que, nous, nous sommes des mortels, et les chants des mortels s’adressent aux mortels. Donc, lequel de tous ceux qui habitent sous l’aurore azurée accueillera dans sa maison avec tendresse mes Graces qui s’envolent vers lui, se gardant bien de les renvoyer sans présens ? Car elles alors, toutes fâchées, s’en reviennent à la maison, pieds nus, en me reprochant grandement d’avoir fait un voyage stérile, et craintives désormais, elles attendent là, assises sur le fond d’un coffre vide, tenant la tête basse entre leurs genoux glacés ; et ce banc, de repos leur est bien dur, après qu’elles n’ont rien obtenu !… »

Ainsi parlait Théocrite, accusant déjà son époque d’être toute à l’industrie et à l’argent. Je ne sais ce que répondit Hiéron ; mais Parny, lui n’eut point à se repentir d’avoir envoyé ses Graces frapper à la porte du cabinet de Français (de Nantes) ; et elles ne lui revinrent point avec un refus. Nous sommes assez heureux pour pouvoir donner la lettre simple, sérieuse et digne que le poète écrivait à l’homme en place en le sollicitant. Ici, n’oublions pas que nous sommes dans les temps modernes et tout de bon (n’en déplaise à Théocrite) dans le siècle de fer de la prose ; l’Hiéron ou le Mécène est un directeur général des droits-réunis.


« MONSIEUR LE DIRECTEUR,

« La place de bibliothécaire en chef du Corps-Législatif qui m’avait été promise ne sera point créée. Si l’on avait pris sur-le-champ cette détermination, j’aurais sollicité, au nom des Muses, qui n’ont pas le privilège de pouvoir vivre sans pain, un recoin obscur dans votre