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choix accompli qu’il fit alors. On y distinguait cette mélodieuse complainte, imitée de l’anglais, sur la mort d’Emma :

Naissez, mes vers, soulagez mes douleurs,
Et sans effort coulez avec mes pleurs…


On y goûtait surtout ces autres vers sur la mort d’une jeune fille, et qu’on ne peut omettre de citer dans un article sur Parny, bien qu’ils soient dans toutes les mémoires :

Son âge échappait à l’enfance.
Riante comme l’innocence,
Elle avait les traits de l’Amour ;
Quelques mois, quelques jours encore,
Dans ce cœur pur et sans détour
Le sentiment allait éclore.
Mais le Ciel avait au trépas
Condamné ses jeunes appas.
Au Ciel elle a rendu sa vie,
Et doucement s’est endormie
Sans murmurer contre ses lois :
Ainsi le sourire, s’efface ;
Ainsi meurt, sans laisser de trace,
Le chaut d’un oiseau dans les bois.


Voila de ces discrets, délicats, sentis, comme il sied à l’élégiaque qui n’a plus d’amours à chanter d’en laisser échapper encore ; si quelque chose en français pouvait donner idée de, ce je ne sais quoi qui fait le charme dans le trait léger et à peine touché d’Anacréon, ce serait cette pièce où Parny, sans y songer, s’est montré un Anacréon attendri. Je noterai aussi le joli tableau intitulé le Réveil d’une Mère ; on s’est étonné que ces jouissances pures d’une épouse vertueuse, ces chastes sourires d’un intérieur de famille aient trouvé, cette fois, dans Parny un témoin qui sût aussi bien les traduire et les exprimer ; mais c’est que les torts de Parny, s’il n’en avait eu que contre la pudeur et s’il ne s’était attaqué directement aux endroits les plus sacrés de la conscience humaine, ne seraient guère que ceux de l’époque qu’il avait traverse dès sa jeunesse. « Il ne faudrait pas trop nous juger sur certaines de nos œuvres, me disait un jour un vieillard survivant, avec un accent que j’entends encore : monsieur, nous avons été trompés par les mœurs de notre temps. »

Le Parny de ces jolies pièces qu’on se plaît à citer était bien celui