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contre l’occupation immédiate et à main armée de l’Orégon ; il n’est pas au contraire de mesure réclamée avec plus d’instances par le colonel Benton et les états de l’ouest, il n’en est pas qu’ils se proposent de demander plus obstinément dans la session qui va s’ouvrir. Ici encore il faucha mécontenter les uns ou les autres.

Quoique, la Pensylvanie et le New-York doivent empêcher toute modification. essentielle dans le système protecteur, l’état florissant du trésor permettra peut-être à M. Polk d’obtenir quelque adoucissement dans les taxes. Le tarif n’ayant été établi que pour subvenir aux dépenses fédérales, dès qu’il y a excédant de recettes, les adversaires du tarif croient avoir le droit de réclamer une diminution des charges. Pour arriver à cet excédant de recettes, les états du sud ont pris la défense de toutes les mesures d’économie, et ils se proposent de demander encore des réductions dans l’armée de terre et dans l’armée navale. C’est un obstacle qu’ils créeront à l’annexion du Texas ; car ce n’est pas quand on désarme qu’on peut songer à provoquer une guerre avec l’Angleterre.

Sur une autre question, le gouvernement sera encore condamné au statu quo. Je veux parler de la distribution du revenu des terres publiques. D’après le système que les whigs ont fait prévaloir, ce revenu doit être appliqué aux dépenses fédérales, et le surplus doit être distribué entre tous les états au prorata de leur représentation au congrès. Les démocrates et les états du sud demandent qu’il soit distribué exclusivement aux états où se trouvent les terres publiques, ce qui priverait les anciens états d’un moyen précieux d’acquitter leurs dettes. On évitera par tous les moyens d’avoir un excédant de recette, pour n’avoir rien à distribuer ; car il serait impossible d’abroger ou de violer la loi : les whigs, qui disposent du sénat, y mettraient bon ordre. Ici encore, les efforts de M. Polk seraient paralysés. Il ne faut point s’en étonner. Le choix d’un homme pour président ni même la prépondérance d’un parti ne peuvent jamais affecter essentiellement les intérêts ni la constitution des États-Unis. Le gouvernement y est réellement entre les mains du peuple : l’impulsion est donnée par les individus réunis en de vastes associations, et les affaires sont administrées bien plus par les états que par le gouvernement de l’Union. L’élection de M. Polk montre surtout combien aux États-Unis les doctrines et la cause d’un parti sont supérieures à l’influence des hommes. M. Van Buren et M. Cass étaient personnellement bien plus chers au parti démocratique que M. Polk ; ils lui auraient apporté une plus grande illustration et de plus grands talens : ils ont été immolés dans l’intérêt de la cause commune ; mais, si les démocrates n’ont pas hésité à sacrifier à M. Polk les hommes les plus éminens du parti, les états, même ceux qui l’ont élu, ne lui sacrifieront jamais leurs intérêts généraux.

On voit donc, par ce que nous venons de dire, que, jusqu’au renouvellement du congrès, c’est-à-dire d’ici à deux ans, la nomination de M. Polk a’apportera pas, dans la politique américaine, d’aussi grands changemens que semble le prévoir une partie de la presse française. Elle n’en est pas moins