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et tant que celui-ci restera ce qu’il est, c’est-à-dire d’ici à deux ans, les efforts de M. Polk seront paralysés. Dans la chambre des représentans, une forte majorité, s’est toujours prononcée en faveur du tarif actuel. Dans le sénat, les whigs dominent, et repousseront avec une double énergie toutes les tentatives de M. Polk en faveur de l’annexion : d’abord pour satisfaire leur ressentiment, ensuite parce que dans la composition actuelle du sénat réside le seul moyen d’influence qui reste à leur parti. On peut donc être certain que M. Polk obtiendra là-dessus beaucoup moins que n’eût obtenu M. Clay, dont l’influence aurait pu entraîner ses partisans. M. Polk ne pourrait espérer de réunir une majorité en faveur de l’annexion qu’autant que l’Angleterre ou la France afficheraient trop ouvertement des prétentions sur le Texas, et manifesteraient l’envie de s’en faire un instrument contre les États-Unis. Dans ce cas, M. Polk serait certain de rallier à l’annexion tous les états de l’ouest. Les hommes de l’ouest, de leur nature, sont ambitieux et guerriers ; l’idée seule d’arriver jusqu’à l’Océan Pacifique leur tourne la tête : ils rêvent la conquête de l’Orégon, du Texas, du Mexique et de l’isthme de Panama ; et lors de la question du droit de visite, ces états étaient infiniment plus ardens et plus disposés à la guerre que les anciens états, les seuls qui aient une marine et que le droit de visite intéresse directement. En faisant appel à leurs dispositions belliqueuses et en offrant à leur amour-propre national la perspective d’une humiliation à infliger à l’Angleterre, on serait sûr, la question ainsi posée, de les entraîner tous.

L’opposition des whigs à l’annexion et au rappel du tarif ne sera pas le seul obstacle que rencontrera la nouvelle administration. Elle n’a réuni une majorité que par une série de compromis entre les diverses fractions du parti démocratique, et la discorde ne manquera pas d’éclater lorsqu’il s’agira de partager les dépouilles. M. Polk, dont le caractère est fort honorable, qui a été gouverneur du Tennessee et président du sénat, qui a par conséquent l’habitude des affaires, est un homme d’un grand bon sens et d’une certaine fermeté ; mais il n’est peut-être pas tout-à-fait à la hauteur de sa position. Tout porte donc à croire que M. Calhoun, dont les amis ont contribué puissamment à l’élection de M. Polk, restera à la secrétairerie d’état, et il aura besoin de toute son habileté pour se tirer des difficultés qui l’entourent. Les démocrates du sud, M Cass à leur tête, vont réclamer l’annexion immédiate du Texas, contre laquelle se sont prononcés M. Van Buren et les démocrates du nord. On n’a pu gagner à M. Polk quelques-uns des états de la Nouvelle-Angleterre qu’en les assurant que, tant que M. Benton, l’un des chefs du parti, se montrerait opposé à l’annexion immédiate, elle n’aurait pas lieu. A laquelle de ces deux fractions donnera-t-on satisfaction ? Le vote de la Caroline du sud et de l’Alabama a été aussi nécessaire à M. Polk que celui de New-York et de la Pensylvanie ; mais autant les uns ont intérêt à voir rapporter le tarif, autant les autres, dans la dernière session, se sont montrés ardens à en demander le maintien. M. Calhoun, M. Mac Duffie et les états du sud, qui redoutent une guerre avec l’Angleterre, se sont toujours prononcés