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Ionie, en Sicile, partout où l’art fut florissant, et chercher, à côté des caractères généraux sous lesquels il apparaît à chaque siècle, les influences diverses qu’il subit dans chaque lieu.

C’est vers ce double but, c’est dans cet esprit qu’ont été dirigées presque toutes les recherches entreprises depuis vingt ans parmi nous au sujet des monumens du moyen-âge. Déjà, vers le commencement du siècle, quelques savans d’Angleterre et d’Allemagne nous avaient donné l’exemple par des essais spécialement appliqués aux édifices de ces deux pays. Leurs travaux n’eurent pas plus tôt pénétré en France, et particulièrement en Normandie, qu’ils y excitèrent une vive émulation. En Alsace, en Lorraine, en Languedoc, en Poitou, dans toutes nos provinces, l’amour de ces sortes d’études se propagea rapidement, et maintenant partout on travaille, partout on cherche, on prépare, on amasse des matériaux. La mode, qui se glisse et se mêle aux choses nouvelles, pour les gâter bien souvent, n’a malheureusement pas respecté cette science naissante et en a peut-être un peu compromis les progrès. Les gens du monde sont pressés de jouir ; ils ont demandé des méthodes expéditives pour apprendre à donner sa date à chaque monument qu’ils voyaient. D’un autre côté, quelques hommes d’étude, emportés par trop de zèle, sont tombés dans un dogmatisme dépourvu de preuves et hérissé d’assertions tranchantes, moyen certain de rendre incrédules ceux qu’on prétend convertir. Malgré ces obstacles, inhérens à toute tentative nouvelle, les vrais travailleurs continuent leur œuvre avec patience et modération. Les vérités fondamentales sont acquises ; la science existe, il ne s’agit plus que de la consolider et de l’étendre en dégageant quelques notions encore embarrassées, en achevant quelques démonstrations incomplètes. Il reste beaucoup à faire ; mais les résultats obtenus sont tels qu’à coup sûr le but doit être un jour définitivement atteint.

Essayons d’indiquer avec toute franchise quels sont ces résultats, c’est-à-dire quels sont les points qu’une méthode vraiment scientifique a constatés, quels sont ceux qui restent encore incertains et contestables.

La période des monumens à plein cintre n’est pas également bien éclaircie dans toutes ses phases. Sa durée est très longue, et, sous une apparente uniformité, elle renferme les variétés les plus nombreuses. On peut bien tracer, même assez nettement, les divisions principales dont elle se compose ; mais les caractères permanens de chacune de ces divisions ne se déterminent pas encore avec une précision suffisante ;