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il est plus facile de les sentir que de les expliquer. Ainsi, pour qui a beaucoup vu de monumens de ce genre, il existe de notables différences entre les constructions encore gallo-romaines des VIe et VIIe siècles et les monumens carlovingiens, et, parmi ces derniers, ceux qui appartiennent au règne de Charlemagne lui-même se distinguent aisément de tout ce qui a été construit dans la seconde moiti du IXe siècle et dans le Xe tout entier ; mais les signes de ces différences ne sont pas toujours exactement les mêmes : il faut les chercher, tantôt dans certain mode de construction, tantôt dans certaine nature d’ornemens, et quelquefois seulement dans la façon plus ou moins grossière dont l’artiste a travaillé. Pour conserver l’espoir d’obtenir des données plus positives, il faudrait que les monumens de cette époque ne fussent pas d’une aussi grande rareté. Comment, sur un si petit nombre d’exemples, parvenir à établir des règles sûres et constantes ? Nous ne doutons pas que de sérieuses études, de patientes comparaisons ne dissipent en grande partie cette obscurité ; mais il restera toujours, quoi qu’on fasse, quelque chose de vague et d’incomplet dans la classification des monumens antérieurs à l’an 1000. Une clarté plus grande apparaît dès le début du XIe siècle. Là ce n’est plus la rareté des exemples, c’est plutôt leur trop grand nombre qui augment les difficultés. Si l’on se contente de généralités, point d’embarras. Cette grande renaissance du XIe siècle se manifeste par deux styles fortement caractérisés : le premier, robuste et massif, le second, riche, élégant, et aspirant presque à la légèreté. Mais à quelle époque précise celui-ci succède-t-il à l’autre ? Combien de nuances, combien de degrés entre ces deux points extrêmes ! Quelle variété dans les plans, dans les modes de construction, dans l’ornementation surtout ! Et si l’on passe d’une province dans une autre, quel spectacle différent ! quel changement de formes et de caractères ! Une si grande diversité donne à cette architecture beaucoup d’attrait ; mais elle est un immense obstacle à la découverte des lois essentielles, des principes fondamentaux qui la gouvernent. Il faut néanmoins reconnaître qu’on a déjà beaucoup avancé cette œuvre difficile. Nous avons des données exactes non-seulement sur la chronologie générale des constructions à plein cintre du XIe siècle et de la première moitié du XIIe, mais sur les principales particularités qui les distinguent dans la plupart de nos provinces. Lorsque les nombreux monumens de cette époque qui survivent encore auront tous été relevés, mesurés, étudiés et comparés avec intelligence, bien peu de questions resteront encore