Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/1038

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faible retentissement au Texas. La religion, l’origine et les coutumes élevaient une triple barrière entre les colons texiens et les autres habitans de la république. Aussi la colonie avait-elle pu prospérer sans se ressentir des commotions qui agitaient sans cesse une société moins habituée que cette population de race américaine à la pratique de la liberté. Toutefois la révolution de 1834, qui renversa le fédéralisme pour fonder à Mexico un gouvernement central auquel tous les départemens devaient être soumis, portait une atteinte trop directe aux droits des Texiens pour qu’ils consentissent à l’accepter. C’en était fait de l’ordre qui avait jusqu’alors régné parmi eux, s’ils approuvaient la nouvelle forme de gouvernement donnée au pays par Santa-Anna. Les hésitations d’un congrès inhabile, les révoltes des partis, le despotisme des généraux, en pesant sur le Texas comme sur le reste de la république, devaient entraver nécessairement les progrès de la colonie, empêcher l’accroissement de sa population et de ses richesses. Plutôt que d’accepter une telle situation, les Texiens déclarèrent qu’ils resteraient indépendans.

On sait quelles furent les suites de cette déclaration. Pendant que le Mexique faisait longuement ses préparatifs pour reconquérir la province rebelle, le cabinet de Washington se hâtait de reconnaître la république texienne ; des souscriptions étaient ouvertes dans tous les états de l’Union pour fournir à ses premières nécessités financières ; des armes, des munitions, passaient de la Nouvelle-Orléans dans les ports du Texas. Des officiers, des soldats américains accouraient en foule à la défense de ce territoire, considéré déjà comme une partie intégrante de la république du nord. Bientôt les Texiens, malgré la faiblesse numérique de leur population, purent entrer en ligne et tenir la campagne contre les forces considérables envoyées de Mexico. Ils résistèrent sur plusieurs points, et firent même prisonnier le général en chef des troupes ennemies. Ce fut un résultat décisif. Santa-Anna, qui avait, quelques jours auparavant, fait massacrer par ses soldats un corps de quatre cents Texiens désarmés après capitulation, ne put se voir sans terreur au milieu des parens de ses victimes. Il promit, pour racheter sa vie, de donner aux troupes mexicaines l’ordre de battre en retraite. On pouvait croire que cet ordre, expédié par un prisonnier qui n’avait plus aucun droit à l’obéissance des soldats de Mexico, serait considéré comme non avenu : il n’en fut rien, et le général Filisola, qui remplaçait Santa-Anna, s’empressa de se retirer au-delà du Rio-Bravo. C’était peu pour le général prisonnier de s’être déshonoré en signant la paix du Texas ; il promit solennellement d’employer son influence à faire reconnaître l’indépendance du nouvel état par le Mexique, s’il était de nouveau rappelé au pouvoir dans sa patrie. À cette condition, on consentit à lui rendre la liberté, et un navire des États-Unis le prit à son bord. Cependant le général mexicain n’était pas à bout de promesses, et on prétend qu’à Washington il prit l’engagement formel, vis-à-vis des ministres de l’Union, de ne pas s’opposer, pour sa part, à la réunion du Texas, si jamais elle était prononcée.