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Tranquilles désormais sur le compte du Texas, les États-Unis se tournèrent vers les autres départemens mexicains limitrophes de leurs immenses possessions. Déjà des communications avaient été ouvertes par terre entre Indépendance et Chihuahua ; des caravanes partant de la première de ces villes traversaient les vastes solitudes de l’Arkansas, le Nouveau-Mexique, et arrivaient le quatrième mois à leur destination. Ces caravanes amenaient dans le nord du Mexique un grand nombre de colons américains. Santa-Fé, le Paso-del-Norte, Chihuahua, voyaient affluer parmi leurs habitans les citoyens de l’Union. On pouvait prévoir l’instant où la population mexicaine serait balancée par la population venue des États-Unis, et où les provinces septentrionales du Mexique auraient le sort du Texas. Ce délai même semblait trop long à l’impatience des Américains du Nord : l’établissement du Texas avait mis en goût de conquêtes ce peuple habitué à réaliser ses projets au moment même où il les conçoit. N’ayant aucun prétexte pour rompre avec le Mexique, le cabinet de Washington dut consentir à ce que les citoyens de l’Union prissent un moyen terme. Quoique de fait en paix avec Mexico, le Texas se trouvait encore de droit en hostilité ; si la guerre n’existait pas, la paix n’était pas signée encore, et le gouvernement mexicain annonçait à tout instant l’intention de forcer les Texiens à rentrer dans le giron de la république. Ceux-ci pouvaient donc prendre à leur compte une expédition armée sur Santa-Fé et Chihuahua. C’est à eux que s’adressèrent les Américains.

Depuis long-temps les négocians des États-Unis établis à Santa-Fé et à Chihuahua s’occupaient de faire de la propagande en faveur de l’Union, déguisée sous le nom du Texas. Il n’était pas difficile de recruter des prosélytes parmi les Mexicains, inconstans et légers de leur nature, et continuellement lésés dans leurs intérêts par la tyrannie de leurs gouvernans. Des germes de mécontentement se manifestaient, les principaux habitans nourrissaient le désir de s’unir aux Texiens, et se disaient prêts à proclamer leur indépendance au premier signal. Informés de ces dispositions, des citoyens de l’Union se réunirent à Galveston, et partirent pour Santa-Fé, traînant à leur suite des chariots chargés de marchandises, qui devaient les faire passer, en cas de non réussite, pour des négocians à la recherche de nouvelles voies commerciales. C’est ainsi qu’ils arrivèrent, en septembre 1841, aux environs de la capitale du Nouveau-Mexique ; le gros de la troupe se cacha dans un ravin, à quelques lieues de la ville, pendant que des émissaires allaient s’assurer des intelligences dans la place. Déjà ils avaient gagné à leur cause presque toute la population de Santa-Fé ; le jour de l’insurrection était fixé, lorsque le général Armijo, gouverneur du département, fut averti de leurs menées par un traître. Il laissa agir les prétendus Texiens sans les inquiéter ; mais, au moment où ils quittaient la ville pour aller rejoindre leurs compagnons, il les fit suivre, parvint à connaître le lieu où se cachaient les Américains, sa troupe les enveloppa avec des forces décuples, les surprit pendant la nuit, et les fit prisonniers. Ainsi échoua cette tentative prématurée (les citoyens de l’Union pour s’emparer du nord du Mexique.