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recruter la pairie. Le ministère, en faisant ces nominations, n’a pas songé à faire prévaloir au sein de la pairie telle ou telle idée nouvelle, à s’assurer une majorité sur telle ou telle loi, sur la loi des rentes par exemple ; il a voulu seulement exaucer les vœux de quelques personnes et combler les vides que la mort fait de temps en temps au sein de la pairie. Il ne faut pas traiter légèrement ces deux motifs. Le premier indique que la pairie est désirée et recherchée par des hommes importans, et que la société ne demande pas mieux que de voir la chambre des pairs reprendre la force qu’elle doit avoir. Ce n’est pas seulement un vain titre ou une fonction impuissante que sollicitent des hommes qui ont pendant long-temps été députés. Puisque la pairie est un objet d’ambition, elle peut donc encore être une puissance. Cependant, si nous considérons bien quels sont les motifs qui ont fait désirer la pairie aux hommes que le ministère a nommés cette année, nous y trouverons plus de lassitude peut-être que d’ambition. Le poids des affaires publiques porté long-temps, et porté dans le second rang, où les tracas et les dégoût ne sont pas moins grands pour être moins élevés, l’inévitable fatigue des relations électorales, fatigue qui finit par gagner même les plus actifs, le goût et le besoin du repos, l’envie fort naturelle d’avoir encore part à la vie politique, mais de n’y avoir part que modérément : voilà les sentimens qui poussent vers la pairie quelques anciens députés. Parmi les pairs de cette année, il n’en est qu’un seul, je crois, qui ait désiré la pairie avec une ardeur juvénile et de hautes espérances. Je ne dis pas que les autres ne l’aient pas aussi sollicité avec ardeur ; mais leur ardeur était celle d’hommes qui souhaitent le repos après de longues journées de fatigue, et non d’hommes qui souhaitent la lutte et le combat. Avec ces sentimens, les nouveaux pairs n’apportent pas à la chambre des pairs beaucoup de vie et beaucoup de mouvement. Ils sont pairs pour se reposer, et non pas pour prendre de la peine. Ils ne fortifient pas la chambre des pairs, ils la laissent ce qu’elle était. Je ne crois pas que personne puisse contredire cette conclusion ou s’en scandaliser.

Je rends justice à la plupart des choix que le ministère a faits, surtout parmi les députés, et il y a, selon moi, pour la pairie, un grand avantage à se voir adjoindre beaucoup d’anciens députés et beaucoup de membres des conseils-généraux ; seulement j’en conclus que, même en faisant plusieurs bons choix, le ministère n’a pas fortifié la pairie, puisque tout le monde a senti, puisque la pairie elle-même a senti plus que personne qu’elle ne gagnait rien aux choix qui étaient faits, quoique ces choix fussent bons, j’en conclus que ce