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n’est pas dans le choix des candidats qu’il faut chercher les causes de l’affaiblissement de la chambre des pairs ; j’en conclus que ce n’est pas de ce côté non plus qu’il faut chercher un remède à cet affaiblissement ; qu’à défaut des grandes illustrations qu’en n’aura jamais en nombre suffisant pour faire une assemblée politique, il faut s’adresser aux grandes influences locales, doubler la force du candidat par la force de ceux qui se rattachent à lui ; j’en conclus enfin qu’il faut modifier les conditions d’admissibilité.

Sans cela, il arrivera à chaque nomination de pairs ce qui est arrivé à celles de cette année. La malice publique cherchera quels sont les services rendus à l’état par le nouveau pair ; elle ne les trouvera pas toujours, et elle ne manquera pas de dire que la chambre des pairs s’est affaiblie. Les nominations deviendront de simples remplacemens, une manière de tenir la chambre au complet, de remplir la salle des séances. On saura qu’il faut, bon an, mal an, nommer tant de pairs ; ce sera une règle d’arithmétique à opérer, et cependant, à chaque recrutement ainsi fait, le vice de cette situation sera mieux senti, la faiblesse politique de la chambre plus évidente, puisque les nominations n’ayant aucune signification politique ni par le candidat nommé ni par l’esprit dans lequel sera faite la nomination, il n’en résultera pas pour la chambre des pairs un atome de vie politique de plus ; tout au plus çà et là pourra-t-elle espérer quelque grande illustration politique ou littéraire : encore l’illustration politique sera ordinairement fatiguée, dégoûtée, et l’illustration littéraire sera fort novice en politique. Quant aux autres candidats, ce seront des hommes honnêtes, éclairés, long-temps actifs, mais qui veulent se reposer, et qui quittent volontiers la table de jeu, tout en se réservant de parier encore de temps en temps.

Si ce tableau est vrai, c’est ici que revient la triste question de M. Royer-Collard : Avons-nous une pairie ?


II.

Pour savoir à quoi nous en tenir sur cette question, il faut comparer la pairie en 1845, non pas, avec ce qu’elle était sous la restauration, encore moins avec la pairie anglaise ; il faut la comparer avec la pairie telle qu’on a voulu la constituer en 1831, conformément à l’esprit et au sens de la révolution de juillet. Replaçons-nous donc au point de vue des législateurs de 1831. Ne demandons pas à la pairie d’être une aristocratie comme celle de Rome ou de Venise : nous