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Partout l’influence lui échappe ; il avait espéré que la chambre des pairs serait un contre-poids qui établirait une sorte d’équilibre dans sa situation parlementaire ; cet espoir lui est enlevé.

Nous venons de voir comment les fonds secrets ont été discutés à la chambre des pairs ; voyons maintenant ce qui s’est passé depuis quinze jours à la chambre des députés.

Trois questions importantes ont occupé la chambre : le projet de loi sur les pensions civiles, la proposition de M. de Rémusat sur les incompatibilités, la conversion de la rente. Nous passons sous silence d’autres objets secondaires. Sur chacune de ces trois questions, le ministère a dû prendre un parti ; quel a été son rôle, quel a été celui de la chambre ?

La loi sur les pensions civiles était réclamée par l’intérêt public. Il s’agissait de fixer le sort des employés de l’état dans des proportions équitables, et sans imposer au trésor une charge trop lourde. La matière avait été long-temps controversée dans les commissions des finances, à la tribune et dans la presse. Des principes divers avaient été soutenus. Ce débat préliminaire avait déblayé le terrain. La chambre était suffisamment instruite. En un mot, c’était une de ces lois qu’une administration forte, entourée de la confiance des chambres, soumet sans la moindre crainte à l’épreuve de la discussion. Qu’est-il arrivé cependant ? Le projet de loi, malgré les louables efforts de M. le ministre des finances, a trébuché à chaque article, et a disparu au scrutin. Les manœuvres employées par le ministère ont rendu son échec plus complet. Au moment du vote, voyant que ses amis n’étaient pas en nombre, il a conseillé de déserter le scrutin ; mais l’expédient n’a pas réussi. Malgré l’appel fait au parti ministériel, la victoire est restée à l’opposition ; 201 voix contre 188 ont repoussé le projet de loi.

La question des incompatibilités soulève de sérieuses réflexions. Il y a dans la chambre des abus à réprimer. Dans l’intérêt du pouvoir lui-même, il y a des mesures à prendre contre le débordement des petites ambitions ; dans l’intérêt du service administratif, il y a des règles à poser pour empêcher que des l’onctions utiles, nécessaires, puissent devenir des sinécures. Sous ce rapport, des incompatibilités sont déjà établies dans la loi : il s’agit de savoir si l’on doit en étendre le cercle. D’un autre côté, lorsqu’on examine cette grave matière, il faut considérer l’état de notre société et le principe de notre gouvernement ; il faut voir quels sont, dans le sein de la chambre élective, les élémens les plus capables d’assurer l’avenir des institutions que nous avons fondées ; il faut apprécier les conséquences politiques de la substitution d’une force à une autre dans la composition du parlement. Si l’on ôte une des bases du pouvoir, il faut chercher à la remplacer, car le pouvoir, dans nos sociétés modernes, ne pèche point par l’excès de sua force. La proposition de M. de Rémusat résout-elle toutes ces difficultés ? nous avons peine à le croire. D’ailleurs l’honorable député déclare lui-même qu’il n’a pas la prétention d’apporter à la chambre un plan irréprochable. Les nouvelles doctrines émises par M. Guizot