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devenu, suivant les paroles de l’oustav, le tribunal suprême entre le prince et le peuple. On reconnaissait au sénat le droit de condamner les ministres coupables, même sans le consentement du prince ; mais l’exercice de ce droit était presque éludé par l’article qui accordait au kniaze la nomination des sénateurs, et lui permettait en outre de leur donner des emplois dont la gestion nécessitait leur éloignement de la cour. Il n’y avait donc pas de garanties complètes contre les abus de pouvoir du prince. Ces garanties absentes ne furent point oubliées par les patriotes lorsqu’en 1838 ils furent chargés de rédiger, sous les yeux de divan de Constantinople, la nouvelle charte serbe. Ils restreignirent sans doute beaucoup trop les prérogatives du trône. Le kniaze n’est plus guère que le président des knèzes ; il a repris, depuis lors, la place qu’avaient chez les Serbes au moyen-âge les prédécesseurs de Douchan, et en Russie les héritiers de Vladimir, avant qu’on leur eût accordé le titre de tsars. Ainsi l’esprit de tribu domine encore dans les dix-sept nahias ou cercles de la Serbie, représentées au sénat chacune par un hospodar, l’élu de ses knèzes et de ses conseils de famille, Ces dix-sept sénateurs inamovibles sont comme autant de patriarches assis autour du souverain national à la manière de nos anciens pairs féodaux, avec cette différence qu’ils ne sont pas héréditaires et ne jouissent que d’un pouvoir délégué. En effet, de même que les knèzes représentent au chef-lieu et au tribunal de la nahia les pères de famille de leurs knéjines ou districts respectifs, de même les sénateurs représentent au conseil général de la nation les knèzes des provinces. Le système constitutionnel de la Serbie repose donc tout entier sur le respect des liens de famille et des droits communaux. Il est vrai que Miloch ayant durant tant d’années imposé des knèzes de son choix aux localités, et cet abus s’étant depuis lors mainte fois reproduit, le knèze aujourd’hui se considère autant comme employé de l’état que comme délégué du pays, et souvent il est aussi bien le chef militaires que le chef civil de sa commune. Ce mélange de fonctions et de caractères se retrouve chez les sénateurs, qui sont à la fois les élus du pays et les élus de l’état. En effet, la charte reconnaît au prince le droit de les nommer, mais de concert avec le peuple et à la condition que le choix tombera exclusivement sur des hommes éprouvés par de longs emplois.

On ne peut méconnaître l’infériorité de cette constitution comparativement à la charte grecque. Simples pasteurs, les Serbes n’éprouvent, point encore le besoin d’une foule de droits devenus indispensables aux Hellènes. La presse est encore trop insignifiante en Serbie pour