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qu’on y sente généralement le besoin d’abolir la censure ; le public n’est point admis à écouter les débats politiques du sénat, qui se font à huis-clos. La skoupchtina, qui figure la chambre des députés, est encore, comme autrefois, une assemblée tumultueuse, dont les attributions vagues ne se trouvent nulle part précisées. Les Serbes ont transporté dans leur loi les habitudes casanières et traditionnelles de leur vie domestique ; ils ont statué que chaque employé doit suivre toute sa vie la carrière à laquelle il s’est d’abord consacré ; le légiste est attaché pour toujours au barreau et aux tribunaux, et le militaire ne peut obtenir aucun service public hors de l’armée.

Considérée comme transition entre les institutions de la Grèce et celles de la Hongrie, la charte serbe prêterait matière à une foule d’antithèses et de rapprochemens curieux. Nous ne constaterons ici qu’un seul fait. Bien qu’ils aient à peu près le même genre de vie pastoral et agricole, les Serbes et les Hongrois forment cependant, les uns une démocratie, les autres un état radicalement aristocratique. Nous ne saurions expliquer cette différence qu’en rappelant que la Serbie, oubliée de l’Europe, n’a point été arrachée à ses instincts naturels, tandis que la Hongrie, long-temps asservie aux Allemands, a reçu d’eux la féodalité, qui, en violentant les instincts nationaux, a peu à peu dépouillé le peuple de sa constitution primitive. Toutefois, quelque occidentale que soit devenue la Hongrie par son culte et sa hiérarchie sociale, elle est encore, par ses mœurs, profondément orientale. La féodalité n’y règne, on peut le dire, qu’à la surface ; tout le fond des idées demeure gréco-slave. Il suffit, pour s’en convaincre, d’un simple coup d’œil sur la constitution nationale.

L’état hongrois a, comme l’état grec, la religion pour base ; il dépasse même, sous ce rapport, les justes limites, en accordant au clergé une influence politique outrée. Ce fait vient peut-être de ce que les rois de Hongrie, employés par la cour romaine comme son principal instrument pour latiniser l’Orient chrétien, ont autrefois reçu à perpétuité du pape Sylvestre II tous les droits des légats apostoliques. Chez les Slaves proprement dits de la Hongrie, les évêques jouissent de tous les privilèges princiers. Le métropolite de Karlovits est traité en Syrmie comme un petit roi. Les Croates en agissent de même à Agram à l’égard de l’évêque. Seuls, les Maghyars, par suite de leur éducation occidentale, se montrent moins favorables au clergé, ce qui ne les empêche pas de décerner au primat de leur église des honneurs presque souverains. Comme tous les peuples d’Orient, les Hongrois ont traversé des périodes d’affreuse tyrannie ;