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d’être ainsi entravés à tout instant. Il faut se résigner aux misères des temps. M. Hugo oublie que c’est aux chambres, hélas ! et aux chambres qui les discutent, que s’adressent maintenant les discours du trône.

Tout à l’heure nous disions que, la littérature d’imagination faisant manque, l’Académie serait forcément amenée à remplir ses prochains vides par quelques-uns de ces écrivains du genre critique dont on a essayé ici à diverses reprises de caractériser le talent et les travaux. Entre ceux qui n’ont pas trouvé place encore dans cette galerie commencée, entre ceux que le vif éclat de l’esprit et la délicatesse de plume eussent en tout temps menés au fauteuil, M. Saint-Marc Girardin est sans contredit l’un des plus brillans. Le Cours de littérature dramatique qu’il a publié l’année dernière, et dont une édition nouvelle paraît en ce moment même[1] avec quelques modifications piquantes, le discours de réception qu’il vient de prononcer à l’Académie, et auquel la riposte ouvertement hostile de M. Hugo a donné plus de relief encore, c’est là une double occasion que nous voudrions mettre à profit pour réparer de longs retards et régler enfin nos comptes avec ce talent jeune encore, mais qui, tant il a été preste et rapide, a déjà un long passé et presque une histoire.

On sait par un vers des Feuilles d’Automne la date exacte de la naissance du poète :

Ce siècle avait deux ans, Rome remplaçait Sparte ;


mais un simple critique ne se croit pas de droits à l’hymne autobiographique, et M. Saint-Marc Girardin n’a écrit nulle part, pas même en prose, qu’il était né à Paris le 21 février 1801. Entré fort jeune à l’institution Hallays-Dabot, qui eut tour à tour en lui son meilleur élève et son meilleur maître, il suivit sans interruption les cours du lycée Napoléon, qui dans l’intervalle devint le collège Henri IV. Comme M. Victor Le Clerc, comme M. Villemain, ses prédécesseurs et plus tard ses collègues dans les hautes fonctions de l’Université, le jeune Saint-Marc fut un des lauréats distingués du concours général. Dans les premières années de la restauration, on remarquait ce genre innocent de succès bien plus qu’on ne fait aujourd’hui. Cela se comprend : au sortir des guerres de l’empire qui avaient moissonné régulièrement la jeunesse, un sentiment particulier d’intérêt devait s’attacher à ceux qui entraient ainsi dans la vie avec des palmes moins

  1. Un volume, Bibliothèque Charpentier.