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J’ai insisté sur cette polémique oubliée du Mercure, parce qu’elle met en lumière la phase de ferveur à demi novatrice sur laquelle, trois ans plus tard, au beau milieu des triomphes du romantisme, M. Saint-Marc s’exprimait, pour parler avec lui, en vrai classique relaps. « Poètes, disait-il, prosateurs, critiques, oisifs de salon, nous marchions tous d’accord ; je dis nous, parce qu’alors je suivais aussi cette armée, non comme chef ou sergent, je n’aurais osé, mais je faisais foule avec les badauds, venant en queue et criant fort, comme cela se fait dans les séditions où le peuple suit les soldats ameutés[1]. » Certes, c’était là une grande componction pour une bien petite faute ; mais peut-être notre converti, qui n’avait guère été qu’un hérétique assez orthodoxe, exagérait-il à.dessein ses regrets, et se faisait-il malicieusement un repentir artificiel. Revêtir le cilice en littérature, c’est se donner le droit de l’appliquer sur le dos des autres. Voyons comment M. Saint-Marc reprit bientôt au Journal des Débats sa tâche ironique du Mercure.

Quand M. Girardin commença d’écrire aux Débats, la querelle littéraire était dans tout son feu. Sans compter la spirituelle brochure de M. de Stendhal et l’éloquent manifeste de la préface de Cromwell, sans compter la polémique harcelante de M. Sainte-Beuve et de M. Magnin (c’était là la guerre dogmatique), le romantisme, qui s’était déjà emparé avec éclat du domaine lyrique, cherchait à étendre ses conquêtes au théâtre, dans le roman, sur tous les points de l’art. En mettant à part les purs littérateurs, trop directement intéressés pour être impartiaux, on peut dire que la jeune école était prise dès-lors au sérieux par plus d’un esprit grave et expérimenté. Au Globe, M. Dubois était fort attentif, M. de Rémusat bienveillant, M. Duvergier de Hauranne tout-à-fait favorable aux hardis essais, aux espérances surtout des romantiques. Non-seulement M. Saint-Marc Girardin, dont le goût susceptible se trouva aussitôt choqué par les bizarreries des novateurs, ne partagea nullement ces sympathies, mais il pensa tout de suite, à propos des Harmonies poétiques et d’Hernani, ce que d’autres ont pensé depuis à propos de la Chute d’un Ange et des Burgraves. Non pas que le très habile critique se mît à la remorque des classiques du Constitutionnel et de l’Académie ; il s’en garda bien et ne revendiqua pour eux que le droit acquis d’ennuyer le public par prescription. Dans sa polémique des Débats, M. Saint-Marc se garda donc de s’enrôler, et reprit, avec un talent avivé par l’exercice et plus étincelant que jamais, son rôle tout-à-fait individuel : ce fut un feu

  1. Débats, 28 décembre 1828.